The doll's house, darkness, old perfume
And fairy sories held me high on
Clouds of sunlight floating by..."
Syd Barrett, Matilda Mother, 1967
En ces jours résolument moroses, autant voir la vie en rose n'est ce pas? Et c'est pourquoi j'ai choisi de vous présenter une œuvre graphique superbement déjantée et au titre complètement dans le ton, bien que légèrement trompeur en fait, puisque ce "Rose Profond" dont il est question est une sorte de conte de fées iconoclaste et un brin licencieux, mis en scène par un grand ponte de la pop culture que j'admire énormément pour l'ensemble de son œuvre et de ses prolifiques collaborations dans de nombreux domaines artistiques (cinéma, journalisme, musique rock, scenarii de bande dessinées, ect... la liste est longue!), j'ai nommé monsieur Jean Pierre Dionnet, qui s'est ici associé au dessinateur Michel Pirus alias Pirus pour nous concocter une troublante BD pas piqué des hannetons et particulièrement originale, ce qui explique sa place de choix dans mon Interzone personnel.
1989, année faste, celle entre autre de la chute définitive du mur de Berlin et de David Hasselhoff en costume de lumière improbable chantant un splendide hymne à la liberté (sic). Mais pas que, puisque 1989 est aussi l'année de parution de cet étrange BD qui m'a enchantée (pas en 1989 bien sûr, car je n'avais que 9 ans à l'époque, donc un poil trop jeune pour en apprécier toutes les subtilités, hé hé hé!), un authentique ovni scénarisé par un trublion génial ayant auparavant sévit chez Métal Hurlant, qui est, mais ai je besoin de le rappeler THE référence ultime en matière de revue et de BD underground à forte tendance SF. Ce "Rose Profond" qui arbore un titre au demeurant très mignon et accrocheur fut publié une première fois dans la revue "L’Écho des Savanes" ce qui d'emblée nous met la puce à l'oreille, connaissant la réputation un brin sulfureuse et iconoclaste du dit magazine fondé par Brétecher, Gotlib et Mandryka en 1972. Et oui, le conte de fées aux faux airs de Disneyland pailleté va vite tourner court, ne vous fiez pas à l'apparence "so cute" et débonnaire de Malcolm le rat et de ses petits copains du pays Rose, qui à l'instar d'un certain héros aux grands oreilles noires créé par l'oncle Walt, fêtait à l'époque ses 50 ans de carrière et vivait en bon père tranquille dans un monde idéal ou il n'y a jamais d'évènements négatifs et/ou traumatisants. Heureusement que Dionnet et Pirus sont arrivés pour transformer la ritournelle un peu mièvre et dégoulinante de bons sentiments en une véritable composition punk, avec des bouts de "sex, drug and rock'n'roll" disséminés ça et la, et qui sont non seulement drôles et bien vus, et dynamitent pour notre plus grand bonheur les codes irritants du conte de fée lisse et politiquement correct ou tout le monde il est beau, tout le monde il est gentil, pour reprendre la formule consacrée.
Pour conclure, nous sommes en présence d'un véritable ovni de la bande dessinée, résolument déjanté et inclassable, heureusement réédité récemment par les éditions Casterman sous la forme d'un beau livre en grand format doté d'une nouvelle couverture particulièrement réussie et d'une présentation inédite de l’œuvre en introduction. J'ai particulièrement apprécié cette histoire aux relents de vitriol et de nitroglycérine imaginée par Dionnet ainsi que par les sublimes dessins très vintage façon bande dessinée américaine de son complice Pirus, un pur régal à chaque nouveaux chapitres et à chaque pages, une œuvre pleine de saveur mais qui n'est cependant pas à mettre entre toutes les mains au vu de la crudité de certains passages.
** "Rose Profond" scénario de Jean Pierre Dionnet, dessins de Pirus, édition Casterman, réédition augmenté de 2015. Pour public averti.
