lundi 26 juin 2017

Le Horla, fantastique Maitre Maupassant

"Murded angels
Bodies in bedlam
A women scorned
You can't hang me

I'm insane..."

I'm Insane, Sonic Youth, 1985

Les lectures de l'été, les fameuses lectures conseillées pendant cette brève période de l'année chaude et ensoleillée, synonyme de liberté et de farniente, "vacances, j'oublie tout" comme disait la chanson, c'est un peu la marotte des libraires et des journalistes responsables des pages culture des magazines. Étant également libraire et d'une certaine façon journaleuse responsable d'un petit blog à vocation pop culturel, je me devais de parler moi aussi de ces incontournables lectures estivales puisque nous entamons cette période qui semble démarrer sous les meilleurs hospices avec ses fortes chaleur et son soleil quasi omniprésent. Sauf que je ne suis pas vraiment un aficionado de la chose, de cet exercice de style imposé et un brin conformiste, à coup de "livres évènements", "écrivains qui font le buzz" et autres ouvrages au contenu "sympa et léger" car quand on bronze sur la plage, que ce soit en Californie ou à Pornichet, on veut forcément toutes et tous du "sympa et du léger" pour rêver et passer un bon moment, ce qui est une chose louable en somme, mais pas vraiment dans les cordes de votre serviteur. C'est pourquoi j'ai choisi de vous présenter les choses à ma façon, mes quelques lectures d'été (mais complètement valables pour toutes les autres saisons en fait!) avec des livres intemporels et hors modes, parfois hors formats et hors normes comme je les aime, des livres pas forcément "sympa et légers" mais qui peuvent susciter rêves et émotions, rires et frissons. Du frisson justement aujourd'hui avec un recueil de nouvelles fantastiques écrit par l'un des maitres méconnus du genre, j'ai nommé Guy de Maupassant, un voyage sombre et fantastique dans lequel j'aimerais vous entrainer, à la (re)découverte d'un auteur culte et essentiel de la littérature française.


































Quand on lit "Le Horla" on pense d'emblée à un classique de la littérature du XIX e siècle, réminiscence de souvenirs pas très agréables pour certains des lectures imposées dans le cadre scolaire, Chateaubriand, Balzac, Maupassant et compagnie, des lectures jugées "vieillottes" et "terriblement dépassées", très souvent subies et non choisies, ce qui est à mon avis une grave erreur car donnant une image erronée de la littérature dite classique, mais la n'est pas le débat. Le dit Horla est l'archétype même de l’œuvre qui à été mainte et mainte fois décortiquée, critiquée, disséquée et analysée sous toutes ses coutures, parfois ad nauseam, les études fleurissent sur le sujet, ce qui est l'apanage d'une grande œuvre, d'un chef d’œuvre qui continue de hanter bon nombre de lecteurs puisque certaines questions semblent demeurer sans réponses. Guy de Maupassant était un brillant écrivain de nouvelles percutantes et hautes en couleurs, un fin observateur des mœurs de son époque, un homme moderne, sensible et visionnaire, qui n'hésitait pas à dénoncer les injustices et à défendre les plus faibles, sa fin fut tragique puisque emportée par la maladie il se suicida. Ce que nous avons tendance à "zapper" et je le déplore, c'est que l'homme responsable de "La Maison Tellier", "Contes de la Bécasse" et autre "Bel Ami" était aussi un génie mé(mal?)connu de la littérature fantastique, un vrai, un grand, au même titre qu'un Lovecraft, un Edgar Allan Poe ou un Jean Ray. Sauf que l'histoire retient surtout un auteur à nouvelles sur sa Normandie natale, avec ses drames campagnards, ses amours malheureux, ses splendides paysages et ses hymnes à la mer, alors qu'il a aussi écrit des superbes histoires sombres et terrifiantes ou le rationnel flirte sans cesse avec le merveilleux, teinté de mélancolie gothique et d'une pointe de sensualité à fleur de peau, la marque de fabrique de l'auteur, un homme connu pour aimer passionnément les femmes. Le recueil que j'ai choisi de vous présenter met certes le fameux Horla en avant, et cerise sur le gâteau, dans ses deux versions puisqu'il n'y a pas un seul Horla mais deux, deux versions très différentes l'une de l'autre mais captivantes et complémentaires, ainsi qu'une kyrielle de nouvelles fantastiques minutieusement choisies, des petits bijoux au suspens haletant, bardés de personnages charismatiques et ambigus, une écriture fine et ciselée, macabre et poétique comme Maupassant en avait le secret, un univers fascinant ou s’entremêlent folie, désespoir, amour éternel, érotisme morbide et quête de soi même, j'ai été particulièrement enchanté par l'histoire de "La chevelure" et son érotisme étrange, dérangeant et sublimement poétique ainsi que par le très énigmatique "Qui sait" que l'on peut voir comme une sorte de prémisse au Horla justement avec son style narratif à la 1ère personne et son personnage principal qui s'enfonce progressivement dans la folie, complètement happée par celle ci, sans comprendre véritablement ce qui lui arrive.  





























Si vous aimez les récits fantastiques de facture "classique", cet ouvrage est fait pour vous, mais si vous êtes davantage porté sur l'originalité et le caractère fantasque d'une fiction, ce recueil est également fait pour vous, ce qui prouve toute l'étendu du (très) grand talent de Guy de Maupassant, auteur inclassable, complètement moderne et génial qui n'a jamais cessé de se renouveler, conteur magique dont les mots plein de poésie, de tendresse, de tristesse et d'humour même continuerons de résonner longtemps dans l'esprit de ses nombreux lecteurs et admirateurs, dont je fais moi même parti depuis très longtemps. A lire tranquillement assis sur un banc au soleil, à l'ombre d'un grand arbre majestueux, sur une plage lumineuse ou dans une forêt sombre, à la belle étoile lors d'un songe d'une nuit d'été ou dans la solitude d'une petite chambre close un jour de pluie, qu'importe le lieu et le temps puisque ce très beau recueil vous entrainera dans un monde (dé)senchanté et fascinant, et je l'espère à la redécouverte d'un écrivain d'exception qui n'a vraiment rien, et jamais rien eu de scolaire et d'académique.  

** "Le Horla et autres récits fantastiques" de Guy de Maupassant, éditions Hachette, collection Le Livre de Poche.**

mardi 20 juin 2017

New York, New York, un chant d'amour

"Hey, white boy, what you doin' uptown?
Hey, white boy, you chasin' our women around?
Oh pardon me sir, it's the furthest from my mind
I'm just lookin' for a dear, dear friend of mine
I'm waiting for my man..."


I'm waiting for the man, The Velvet Underground, 1967

Un chant d'amour... Je vous vois déjà venir, voir bondir en lisant cette brève phrase d'introduction qui est également le titre de ma chronique du jour, en vous demandant comment un chant d'amour peut il être compatible avec une quelconque mauvaise influence, ce blog virerait il dans le mièvre et la littérature à l'eau de rose en faisant la (mauvaise) promotion de quelques roman-photos et autres ouvrages Barbara Cartlandesque vendus 3 euros six sous dans les (mauvaises) échoppes de livres? Non, non, non ne nous emballons pas, puisque la référence est tout autre, accolée à un titre, LE titre de l’œuvre du jour donc, rappelant une certaine rengaine mythique chantée par une certaine Liza Minelli en 1977, puis (re)popularisée deux ans plus tard par un certain Frank Sinatra. Je pense à un écrivain très cher à mon cœur, plutôt bien placé dans mon top ten perso de mes auteurs favoris, le grand, l'unique, le sulfureux Jean Genet, à qui j'ai emprunté ce "chant d'amour" pour vous parler d'un manga passionnant, et qui même si il n'a pas grand chose en commun avec les livres du dit Monsieur (avec un grand M), excepté le thème de l'homosexualité bien évidemment, me semblait tout trouvé et parfait pour introduire une histoire d'amour, qui je vous rassure tout de suite, n'a rien d'une bluette écrite par notre amie Barbara, promis juré!


































New York et sa vie trépidante d'une ville qui ne dors presque jamais, ou voyous et policiers se croisent et s'affrontent, les uns poursuivant sans relâche les autres, jouant éternellement au jeu du chat et de la souris, les rues animées et les quartiers interlopes, les bars ou l'on s'amusent et ou l'on se draguent, le danger permanent qui plane au dessus des têtes innocentes tel une épée de Damoclès, des histoires d'amours naissantes, une histoire d'amour surtout, celle d'un homme qui rencontre un autre homme un soir, par hasard dans un bar gay, un véritable love at first sight comme disent nos amis anglo-saxons, un bel ange blond du nom de Mel Fredericks qui apparait tel un miracle dans la vie plutôt rangée et routinière de Kain Walker, un jeune policier de 25 ans qui cache depuis toujours sa véritable nature à ses collègues et à son entourage. Les deux hommes, voulant vivre leur amour à la fois puissant, sans faille mais aussi fragile, vont devoir affronter une certaine réalité abrupte, un quotidien pas toujours rose pour les couples du même sexe, victimes depuis la nuit des temps d'ostracisme violent, de rejet, d'incompréhension, de méchanceté gratuite et de haine profonde émanant de certaines personnes qui refusent, et refuseront toujours d'admettre que l'amour n'a pas de sexe, de couleur et de limites, et que chaque être humain est libre d'aimer qui il le souhaite et de vivre selon les désirs de son cœur. Un amour immense et une destinée incroyable pour ces deux jeunes hommes, que tout oppose, le blond et sensible Mel, orphelin de mère, cachant un passé trouble et dont la vie n'a pas été du tout un long fleuve tranquille, bien loin de la même, contrairement à Kain Walker, brun et impulsif, qui à toujours été couvé, protégé et adulé par sa mère Ida.






























Un excellent manga oscillant entre le shojo (pour la romance et les très beaux dessins fins et délicats souvent ornés de fleurs!) et bien entendu le yaoi/shonen ai (pour le thème 100% LGBT, ces deux termes désignant des mangas gays ) mis en scène de façon très originale, doté d'un scénario haletant et hyper passionnant, ponctué de petits cliffhangers façon série policière américaine, puisque justement ce manga flirt allègrement avec le genre, policiers, enquêteurs du FBI, serial killers hyper dangereux et psychopathes particulièrement flippants pullulent dans les 4 tomes de cette saga passionnante, cette sublime histoire d'amour qui semble éternelle entre Mel et Kain, j'ai vraiment été très touchée par ces deux la, par leur beauté, leur grandeur d'âme et leur pureté presque enfantine, et pourtant habituellement je déteste tout ce que j'appelle les "Harlequinades", les romans à l'eau de rose et compagnie! Mais ce manga évoque aussi des choses plus sérieuses, plus difficiles aussi, comme le SIDA, le rejet des homosexuels, la peur de s'affirmer en tant que gay, les relations avec autrui (amis, collègues, famille), les préjugés, la marginalisation, la solitude, l'homoparentalité, et ça c'est vraiment très appréciable et pas franchement courant dans un manga, personnellement je n'ai jamais rien vu de tel ailleurs, ce qui fait que ce manga fait vraiment parti de mes gros coups de cœur, il est magnifiquement dessiné, scénarisé, intelligent, palpitant et sensible, sans jamais tomber dans le cliché facile ou le sentimentalisme à deux sous, ce qui n'était pas évident au départ au vu de son sujet un brin casse gueule. Je le conseille à tous, amateurs de bons mangas, de yaoi, de shojo, de séries policières, LGBT, hétéros, amoureux transis, incorrigibles romantiques, durs à cuir cachant une âme fleur bleue, adeptes de la manif pour tous (sic), bref pour tout les êtres humains à partir de 14 ans!

** "New York, New York" dessins et scénario de Marimo Ragawa, éditions Panini/Génération Comics. 4 tomes parus.** 



vendredi 16 juin 2017

La foire aux atrocités, le monde selon J.G Ballard

"Asylums with doors open wide,
Where people had paid to see inside,
For entertainment they watch his body twist,
Behind his eyes he says, 'I still exist..."


Atrocity Exhibition, Joy Division, 1980


 Les mots de Ian Curtis (repose en paix cher bel ange déchu de la musique de mes rêves...) pour introduire une œuvre, que dis-je, un chef d’œuvre, un must, un monument de la littérature contemporaine anglo-saxonne que je viens de (re)lire avec un immense bonheur, portant le même titre que l'hymne torturé du leader de Joy Division, mais cela n'est pas un hasard, non puisque le sieur Curtis était un fin connaisseur et amateur de grande littérature, puisant son inspiration géniale dans les œuvres de Jean Paul Sartre, Dostoïevski, William S Burroughs (que du très, très bon donc, en toute objectivité!) et bien entendu J.G Ballard, avec ce très beau et inclassable "Foire des Atrocités", un diamant à l'état brut, intaillable et difficile à cerner de prime abord, complètement inclassable et fou, un véritable électron libre, écrit par un auteur inspiré et tout aussi électron libre. Welcome to the show gentlemen, et venez découvrir cette foire d'un genre très particulier, vous êtes mes invités et je serais bien évidemment votre hôte!


































Comme spécifié un peu plus haut, "La foire aux atrocités" est une œuvre (très) atypique, complètement inclassable et un brin foutraque, au style non linéaire, un roman qui ne ressemble à aucun autres romans, avec un fil conducteur, un récit bien suivi et une galerie de personnages évidents et bien identifiés. Exception faite avec les œuvres de William S Burroughs, avec qui J.G Ballard partage beaucoup, je pense évidemment au "Festin Nu", "Interzone" et "La Machine Molle" qui présentent certaines similitudes troublantes avec notre dite foire aux atrocités, de part sa structure très particulière composée de courts chapitres dispersés qui n'ont pas toujours de liens entre eux, sa vision salement désenchanté et apocalyptique du monde et de l'humanité en général, son excentricité et sa fantaisie noire, son drôlerie aussi, cinglante et cynique à souhait. On est complètement immergé dans les visions sombres et déstabilisantes de l'auteur, qui nous entraine dans une véritable sarabande désenchantée, dans une sorte d'urgence d'une futur catastrophe à venir, quelque part entre Mad Max et Hiroshima, un véritable miroir tendu à la face de l'humanité qui du coup nous montre toute l'étendue de son atrocité et de sa laideur, sans fard et sans hypocrisie, une laideur banale en somme mais proprement effrayante. Sans hypocrisie, car dans l'univers de J.G Ballard tout est toujours juste, sincère et cru, sans le souci de vouloir paraitre joli, hyper cohérent ou poétique, même si une certaine cohérence et poésie destroy émane de tout ceci.
































Difficile donc de faire un résumé précis et bien propret d'une œuvre folle et libre commencée par J.G Ballard dans les années 60 et achevée 30 ans plus tard, œuvre qui est loin d'être proprette et qui sera loin de plaire à tout le monde, amateurs de romans fleuves et autres histoires bien linéaires, passez votre chemin, ou si vous souhaitez vous immerger dans le très complexe et sulfureux univers de J.G Ballard, je vous conseillerais davantage "La forêt de cristal", roman de science fiction à la structure plus classique et abordable, et beaucoup moins cut-up que cette étrange "Foire aux atrocités", dont je ne taris pas d'éloges à son sujet et que je considère comme un chef d’œuvre très important de la littérature du XXème siècle, puisque personnellement je suis très fan de ce genre de fiction/livre/univers, mais je sais très bien que ce ne sera pas le cas de tout le monde, il faut être honnête! J.G Ballard est un grand monsieur de la littérature anglo-saxonne, ou plutôt était, puisqu'il s'est éteint en avril 2009 à l'âge de 78 ans, son style brillant et hors norme a même inspiré d'autres artistes tout aussi atypique et brillant, pour ne citer que l'un des plus célèbres d'entre eux, le canadien David Cronenberg, dont l'univers cinématographique étrange rejoint totalement celui du romancier, il n'y a qu'a regarder son adaptation de "Crash" réalisée en 1996 pour s'en convaincre. 

** "La foire aux atrocités" ("The atrocity Exhibition") de J.G Ballard, préface de William Burroughs, traduction française de François Rivière, éditions Tristram, collection Souple.












jeudi 15 juin 2017

Alright, This time, Just the girls, chronique d'une révolution punk féministe

"Retard girl makes us sick
Retard, poke her with a stick
Well, she walks funny
Kind of like a pig..."


Retard Girl, Hole, 1990 

J'ai délibérément choisi les mots percutants de Courtney Love pour introduire ma chronique du jour, un choix réfléchi mais également hésitant car quand je pense aux "filles en colère", d'autres noms et visages me viennent à l'esprit, des biens moins connus que cette grande dame du grunge, éternelle teenage whore aux cheveux ultra décolorés et aux petites robes de babydoll pastel, célèbre auprès du grand public pour sa romance tumultueuse avec un autre géant du grunge, Kurt Cobain (R.I.P), ses frasques et ses excentricités de junkie qui ont fait la une des tabloïds du monde entier. Mais il faut bien le reconnaitre, Courtney Love est une actrice majeur de ce courant artistique et underground du début des 90' (essentiellement aux USA), un courant salvateur et qui telle une lame de fond, a ravagé certaines choses bien établies, monotones et corporate, remettant au passage quelques pendules à l'heure, notamment sur les questions brûlantes du sexisme, du patriarcat omniprésent et destructeur, et de la place des filles dans la société et le monde du rock. Le livre que j'ai choisi aujourd'hui est un essai qui relate la genèse du mouvement des Riot Grrrls (avec 3 R), sa vie parfois mouvementée et sa galerie de personnages fascinants, véritables héroïnes franches tireuses qui ont énormément apporté à la cause féministe moderne, en créant des idées et des fanzines, se rassemblant pour jouer de la musique et chanter leurs revendications salvatrices à la face du monde engourdi.


 































Tout d'abord et il est très important de la signaler, car la chose est plutôt rare dans le très convenu et policé paysage éditorial français en dépit de certains éditeurs comme "Camion Blanc", "Le Castor Astral", "Le Diable Vauvert" ou "Le Mot et le Reste" qui font un excellent boulot en osant éditer des auteurs hors normes ou des bouquins sur des artistes underground, confidentiels ou jamais reconnus du grand public friand de mainstream avec l'estampille "vu à la télé" (j'en profite d'ailleurs pour les remercier énormément pour cela, continuez les gars, franchement c'est cool de lire vos publications!), le livre que je tient entre les mains aujourd'hui est un fantastique essai écrit par une française, Manon Labry, une jeune doctorante plutôt calée sur la question, spécialisée en civilisation nord-américaine, et ça tombe plutôt bien puisque le dit mouvement des Riot Grrrls est typiquement nord américain, a été assez populaire et reconnu dans certaines régions des États Unis (Seattle, Portland, Olympia, Washington DC entre autre) mais s'est fait plutôt discret en Europe, très peu représenté voir même inexistant en France, mis à part l'un des rares groupes grunge français du nom de Sassy qui a brillamment repris le flambeau d'un courant musical qui n'a pas disparu, pour notre plus grand bonheur, en perpétuant la magie du grunge et l'esprit des Riot Grrrls à travers leurs musique somptueusement abrasive et leur lyrics décapants (je vous invite à les découvrir via le lien au bas de ma chronique). Cet essai que j'ai découvert il y a quelques mois sur les conseils d'une amie qui me savait amateur de ce type de musique, est loin de ressembler aux autres essais que l'on peut lire habituellement sur la musique, d'une part par le ton délibérément drôle et décomplexé voir familier utilisé ici, instaurant une sorte de complicité proche avec le lecteur, comme une bonne copine qui te raconterait un super concert qu'elle aurait vu la veille. Le sujet est suffisamment captivant et très bien maitrisé, on apprends beaucoup de choses passionnantes, sur la musique, le féminisme, la musique reliée au féminisme et inversement, une révolution menée de front par des femmes de cœur et de convictions, qui en avaient tout simplement ras le bol de vivre dans un carcan patriarcal bien établi, ou il faut être la plus belle, la plus douce, la plus féminine, la plus ceci ou cela pour correspondre aux normes imposées par la société, en étouffant sa véritable personnalité et ses rêves, sois belle et tais toi en somme, des choses insupportables qui hélas sont loin d'avoir disparues aujourd'hui.





























Un excellent ouvrage, très bien documenté et passionnant, employant un ton accessible et non dénué d'humour ce qui lui donne d'emblée un côté très sympathique et attachant. J'avais parlé dans mon ancien blog d'un autre bouquin de référence sur le sujet "Cinderella's big score, women of the punk and indie underground", un excellent ouvrage très complet avec une riche iconographie mais malheureusement tout en anglais et disponible uniquement en import bien entendu, j'étais un peu dans l'attente d'un vrai bon livre complet en français sur le rock au féminin et il faut dire que mes désirs ont été exaucés bien au delà de ce que j'espérais, good job! A découvrir absolument, même si vous ne connaissez que peu de choses aux Riot Grrrls, aux mouvement indie/grunge/hardcore au féminin, ce livre est suffisamment captivant et accessible au plus grand nombre, pour toutes celles et ceux qui ont l'âme féministe, je vous le recommande chaudement, à écouter de préférence avec un bon vieux Babes in Toyland ou une compil' Sympathy For The Record Industry à fond!

** "Riot Grrrls, chronique d'une révolution punk féministe" de Manon Labry, éditions La Découverte sous le label Zones. 

** Un vrai bon groupe grunge 100% français, avec deux excellents musiciens dont une chanteuse qui décoiffe! https://www.facebook.com/pg/sassyweb/about/?ref=page_internal

lundi 12 juin 2017

Banana Fish, mellow yellow manga

"Electrical banana
Is gonna be a sudden craze
Electrical banana
Is bound to be the very next phase..."


Mellow Yellow, Donovan, 1966


Une banane électrique... quoi de plus stimulant et intriguant qu'une référence "Donovanienne" garantie 100% psychédélique et pleine de sous entendus croustillants pour introduire une œuvre dont le titre comporte le mot "banane"? En fait non, pas du tout, puisque la ressemblance s'arrête très vite, rien à voir avec le barde Donovan et sa pop cosmique bien allumée, puisque le fameux poisson banane dont il est question aujourd'hui est un manga aux pages jaunes comme une banane certes, mais dont le référentiel est plutôt basé sur l'une des œuvres du grand JD Salinger, auteur du cultissime "Attrape-cœurs", une nouvelle magnifiquement perturbante répondant au doux nom de "Un jour rêvé pour le poisson-banane" (en V.O "A perfect day for Bananafish"). Un manga aux pages jaunes, JD Salinger, un poisson-banane, mais qu'est ce donc que tout cela?? Je vais donc cesser le suspens que j'imagine insoutenable pour vous parler de l'un des meilleurs manga que j'ai lu, une de mes références ultimes et qui m'a méchamment (et mauvaisement aussi bien entendu!) influencé à tout point de vu.


































Un manga aux pages jaunes... Je sais me répète, mais il faut vraiment le dire, voir le marteler, tellement la chose est peu banale! Mais en fait ça tombe bien, puisque ce manga la n'est pas banal non plus, c'est un bel ovni, tortueux et envoutant, hâtivement classé dans la catégorie infamante des shojo (mangas destinés à un lectorat féminin et jeune) et à mon humble c'est une (très) grossière erreur, et vous allez comprendre pourquoi très vite! Tout d'abord il n'est absolument pas question de romance de collégiennes, de magical girls en robe à froufrous, ou d'histoires de beaux gosses, les fameux bishonen (les beaux garçons) qui font tourner les têtes de toutes ces jeunes demoiselles, même si les principaux protagonistes de Banana Fish, de par leur belles gueules et leurs postures, méritent de rentrer dans la catégorie des bishonen! Alors de quoi s'agit il en fait? L'histoire est à la fois très simple et complexe, puisqu'il s'agit d'une histoire relatant un passé trouble, des faits historiques (la guerre du Vietnam, ses horreurs et l'expérimentation d'une drogue mystérieuse, "la banana fish" sur des jeunes soldats), tout ceci sur fond de guerres de gangs, de règlement de compte entre la pègre et la mafia, drogues, trafics louches et relations hautement ambigus entre certains personnages. Ambigu comme le héros de cette histoire tortueuse, Ash, jeune homme rebelle et un brin tête brulée qui est à la tête d'une bande de voyous, sévissant dans les rues de New York du début des années 80. Il va se retrouver un peu malgré lui embarqué dans une aventure dangereuse, à la recherche de la vérité concernant le fameux "banana fish", dont il apprendra l'existence par le biais d'un homme agonisant sous ses yeux et qui lui remettra aussi un mystérieux pendentif, un objet qui s'avèrera être très convoité et recherché par la mafia. Aidé d'un jeune journaliste japonais plutôt propret et qui est aux antipodes total de l'univers ultra violent dont est issu Ash, celui ci va enquêter et découvrir certaines vérités dangereuses, souvent au péril de sa vie et de celles de ses sidekicks.





























Bon je pense que vous l'aurez compris, nous sommes loin, bien loin du shojo manga traditionnel vendu par les éditeurs, même si il faut bien spécifier que celui ci à été publié au Japon dans un magazine de prépublication destiné aux jeunes filles, le "Bessatsu Shojo comics", entre 1985 et 1994, puis sous la forme de 19 tomes reliés. Chez nous c'est l'éditeur franco-italien Panini/Génération Comics qui s'est chargé de le publier, respectant à la lettre le format original avec ces intrigantes pages jaunes, qui donnent tout son charme et son originalité à ce manga vraiment superbe et hors norme, avec son histoire passionnante, ses personnages à la psychologie recherchée, sa violence souvent crue qui fait que ce manga est déconseillé aux plus jeunes lecteurs. Le personnage de Ash me plait particulièrement, tant par sa posture LGBT, son caractère à la fois franc, bagarreur, décidé, violent et foncièrement honnête, son ambiguïté tout au long du manga, le genre de personnalité assez rare dans les fictions dites "grand public" qui font qu'on ne peut que l'apprécier et l'admirer sincèrement. A découvrir si vous appréciez les fictions mêlant enquêtes policières, univers violent à la Scarface, gunfights, et autres séries de haute volée type "The Wire" ou "New York Police Blues".

** "Banana Fish", dessins et scénario de Akimi Yoshida, éditions Génération Comics, 19 tomes parus. **

dimanche 11 juin 2017

Réactivation du blog, non la mauvaise influence n'a pas totalement disparue!

Dans la nébuleuse internet, il n'est pas rare de tomber sur pléthore de blogs, aux sujets et contenus divers et variés, sur la mode, la vie, les recettes de cuisine de la tante Adèle, la musique, la politique, la philosophie de comptoir, les voyages au Mexique ou à Vierzon, la pluie et le beau temps, ect... des blogs toujours plus nombreux au vu du nombre sans cesse croissant d'internautes, bien alimentés, vivants, documentés à leurs débuts, et plus le temps passant se retrouvent soudainement délaissés, sans réel nouveautés ni articles captivants comme à l'apogée de leur gloire et de leur âge d'or, pour enfin finir totalement abandonné, rejoignant le grand cimetière des éléphants, euh non pardon, des sites internets oubliés de tous. Une terrible fatalité sans doute, mais pas tant que ça à l'heure de l'éphémère, du "pop up" concept, du buzz et de la nouveauté sans cesse renouvelée, ou une mode en chasse une autre, un blog s'imposant comme la référence ultime qui se retrouve soudainement supplanté par un autre plus "swagg", plus cool, j'en passe et des meilleurs, n'en jetez plus! Je dois bien avouer que ce blog qui est le mien depuis maintenant quelques années, successeur de feu "les tribulations livresques de Madame Lilalivre", je l'ai délaissé pendant de long mois, pour x raisons, le manque de volonté, de motivation, le doute quand à son intérêt réel, et surtout mon changement de latitude puisque depuis plusieurs longs mois je vis aux USA, pays de mes auteurs favoris et pères spirituels, William S Burroughs et Edgar Allan Poe entre autres, j'ai déménagé en vue d'une autre vie, d'une nouvelle expérience, envie d'ailleurs et d'être sans doute au plus proche de mes racines livresques et musicales. Mon envie de réactiver mon blog et de sévir à nouveau avec ma (mes) mauvaise(s) influence(s) me titillait depuis un bon bout de temps, je n'ai jamais totalement renoncé à écrire, encore fallait il que je (re)lance ma motivation personnelle et me remette dans le bain des chroniques. Chose promise, chose due, cet article servira donc de réactivateur officiel du blog puisque j'ai déjà quelques chroniques de prévues dans les temps à venir, avec la ferme intention d'être désormais plus assidue et régulière, car l'idée même d'imaginer ma chère mauvaise influence morte et enterrée dans la fosse commune du dit cimetière des sites internet oubliés de tous m'est proprement insupportable.


Votre serviteur repentante, Lula Rapture Sawyer