jeudi 7 octobre 2021

Obsession Blanche, ou l'Alph-Art littéraire de Valérie Valère, White Drama et Série Noire

White light, White light goin' messin' up my brain
White light, Aww white light its gonna drive me insane
White heat, Aww white heat it tickle me down to my toes
White light, Aww white light I said now goodness knows, do it
 
The Velvet Underground, "White Light/White Heat, 1968.
 
 
Alph-Art littéraire, White Drama, tragédie de la panne blanche... Quel écrivain, critique, journaliste, poète, blogger et même polémiste n'a jamais été confronté à cette chose terrible qu'est le manque soudain d'inspiration, l'évaporation de son esprit créatif, l'annihilation suprême de son talent littéraire? Il m'arrive moi même d'être temporairement confronté à une non envie d'écrire et à un blackout créatif, et cela même quand je dois parler du travail des autres, moi qui ne suis pas à proprement parler un écrivain, mais plutôt un modeste critique qui se contente de faire éclore sa passion dévorante pour les belles lettres, l'Avant Garde et l'Art subversif en général. C'est un peu pour cela que aujourd'hui j'ai décidé de faire une chronique abordant le thème "difficile" de la page blanche, et aussi pour une raison beaucoup plus importante je dois bien l'avouer, celle de (re) parler de l'un de mes écrivains chouchous et adorés (non pas William S.Burroughs!), la grande, la très belle et très talentueuse Valérie Valère, splendide astre noir de la littérature française contemporaine, tragiquement disparue à l'orée des 80'. J'avais déjà parlé de cette chère Valérie V dans une chronique présentant l'un de ses livres posthumes, le très plus percutant et personnel "laisse pleurer la pluie sur tes yeux", œuvre méconnue du grand public qui ne jure que par "Le Pavillon des Enfants Fous" relatant son passé d'anorexique internée de force en hôpital psychiatrique au milieu des années 70. Sauf qu'ici, et vous l'avez sans doute compris depuis longtemps déjà, très chers lecteurs, on ne fait pas dans le facile, le putassier et le mainstream, nous adorons nager à contre courant et parler des "faces B"et de toutes ces œuvres fascinantes pas faciles d'accès qui ne plaisent pas forcément à la majorité et aux médias classiques. "Obsession Blanche" en fait justement parti, et c'est avec un immense plaisir que je vais vous présenter le dernier roman sorti du vivant de notre amie Valérie.






















"Obsession Blanche" donc... Un joli titre qui dissimule une histoire bien noire, ou plutôt qui exprime avec brio ce qu'il a de plus noir dans l'âme humaine, salement dépravée et à la dérive, une humanité en perte de repères totales, ou l'amour pur et les sentiments n'existent pas, ou les gens sont seulement condamnés dès leur naissance à subir et à mourir, étouffés par le mal de vivre et le ressentiment, dans un quotidien sordide de vacuité ou les sentiments et les états d'âmes n'ont pas leur place. Et cela Valérie Valère l'a très bien compris et l'a malheureusement vécu, elle en parle même à longueur de romans et de poèmes, déversant son infinie tristesse et sa colère légitime sur des centaines et des milliers de feuilles, qui parfois se retrouvent blanches... Comme celle de Gene Carl, jeune écrivain idéaliste et un brin rêveur, sorte de double fictionnel de Valérie, qui se retrouve un jour confronté au drame de la page blanche, paralysé par le manque soudain d'inspiration, il ne peut donc plus écrire ce fameux second roman tant attendu de la part des écrivains ayant eu un immense succès avec leur première œuvre! Un drame intime et littéraire qui va se muer en une véritable obsession et une quête effrénée pour trouver enfin cette storytelling parfaite qui lui fait affreusement défaut et en faire le chef d’œuvre tant attendu, une errance oscillant toujours entre fiction et réalité, fantasmes et désillusions, amour contrarié et conquêtes décevantes. Car Gene est un pur, un véritable poète maudit des temps modernes, perdu entre son art défaillant et son amour pour Prisca, incarnation parfaite du prince charmant des temps moderne, à la fois attentionné et pervers, jouant un jeu amoureux tellement ambigu à la limite du machiavélisme pour parvenir à ses fins, lui le bel homme au corps parfait et au visage d'ange qui trouble notre jeune écrivain, le poussant même dans ses derniers retranchements, entre désespoir et folie auto destructrice. La folie, justement parlons en, puisque ce sera elle qui scellera en quelque sorte la destinée de notre héro, un héro qui aurait pu devenir celui de son propre roman tant sa vie réelle et fantasmée est... un véritable roman à elle toute seule!









 












C'est toujours un immense bonheur et honneur de parler de Dame Valérie dans cette modeste tribune qui est la mienne, une joie profonde et sans borne de parler de ses œuvres si fascinantes et particulières, minutieusement choisies par ses "moins connues et grand public". "Obsession Blanche", troisième et dernier roman sorti du vivant de l'auteur en fait justement parti de ces œuvres, n'ayant pas eu le succès escompté à sa sorti en 1981 chez Stock, malgré l'aura de Valérie Valère, fortement médiatisée dès 1978 avec la parution du célébrissime "Pavillon des Enfants Fous". Un roman plutôt difficile d'accès, tant par le sujet abordé et l'écriture, le style narratif au ton avant gardiste pour l'époque peut paraitre assez déroutant, on oscille sans arrêt entre fiction et réalité, comme si nous étions dans le cerveau bouillonnant de Gene Carl, une sorte de voyage intime et intérieur, une ombilic des limbes chère à Antonin Artaud très tortueuse et parfois malaisante, on est sans cesse bousculés et épouvantés même devant toute cette peinture sombre de l'âme humaine et de toute sa splendide dépravation. Pourtant ce n'est qu'un simple miroir que nous tends Valérie Valère, observatrice désabusée de son temps et de ses tristes contemporains, femme insaisissable aux mille visages, genres et noms, que ce soit Gene, Malika, Vera, Magnificia ou Eléonore, celle qui livre ici son chant du cygne et son Alph-Art littéraire pour notre plus grand bonheur.

***** "Obsession Blanche" par Valérie Valère, éditions Stock, collection Le Livre de Poche ******