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lundi 10 janvier 2022

Big Baby, ou l’étrange bébé de Mr Charles Burns

 «  I used to con you
     My baby baby… »

Feedtime, « Baby baby » 1987

Un grand nouvelliste que ce Charles Burns. Et puis d’abord, nouvelliste ou Novelist? Nouvelliste, un terme à présent quelque peu désuet pour désigner un auteur de nouvelles, un écrivain bien souvent en phase avec son époque qui s’attache à recueillir et à répandre des nouvelles de-ci de-là, bonnes ou mauvaises, joyeuses ou mélancoliques, réalistes ou un brin fantasmagoriques, flatteuses ou sarcastiques. La bonne nouvelle et sans mauvais jeux de mots, c’est que tout ceci illustre tellement bien l’univers si particulier de l’homme dont il est question aujourd’hui, un graphic novelist au style reconnaissable entre mille et dont la patte graphique si souvent imitée mais jamais égalée, nous entraine dans les méandres et les limbes d’un monde à la fois attirant et effrayant, un peu comme un long cauchemar peuplé de freaks  qui étrangement ne nous flanquerait pas la frousse et paradoxalement nous donnerais encore plus envie de plonger dans une rêverie sans fin et de ne jamais se réveiller totalement! C’est ce que m’inspire personnellement les œuvres de cet énigmatique Mr Burns, qui méritait enfin sa chronique dans ma modeste tribune, et tout particulièrement ce très étrange ( oui, il y a et aura certainement une redondance du terme!) « Big Baby » avec sa superbe couverture tout aussi… étrange et qui annonce d’entrée de jeu la couleur de ce roman graphique ou graphic novel pour les puristes, à mi chemin entre Barnum et son freak show et storytelling du 3ème type… 




















« Big Baby »… plutôt que « Black Hole », choix éditorial très personnel pour parler de ce génial artiste qu’est Charles Burns, chantre d’une certaine avant-garde picturale et de la bande dessinée underground américaine avec Daniel Clowes, Jaime Hernandez et même Raymond Pettibon (même si ce dernier est davantage plasticien que graphic novelist, son style percutant et provocateur est à ranger selon moi dans la même « catégorie » d’Art underground!). « Big Baby » parce que sûrement moins connu que le cultissime « Black Hole » et que l’un des partis pris de ce blog est justement de parler des outsiders, des œuvres moins connues du grand public, car où est donc l’intérêt de parler d’une œuvre certes fascinante, mais dont tout le monde ou presque en chante déjà les louanges à travers pléthores d’articles et de reviews? Et si « Black Hole » est un aperçu absolument percutant et abrupte de l’univers de Charles Burns, je trouve que « Big Baby » va encore plus loin dans cette démarche percutante et abrupte, à travers 4 récits un brin foutraques mettant en scène un jeune garçon nommé Tony alias « Big Baby » donc tant sa physionomie indescriptible et ses goûts personnels pour les jouets et films effrayants sont révélateurs d’un état d’esprit un peu borderline. Ce paradoxe de l’effrayant et de l’attirant est révélé ici par la personnalité de Tony, qui est à la fois terriblement naïf avec son âme d’éternel enfant impressionnable mais également très attiré par tout ce qui est glauque et particulièrement horrifique, comme une sorte de double personnalité schizoïde, de dualité contradictoire qui entraîne notre (anti) héros à vivre presque malgré lui des aventures fantasmagoriques dans son morne quotidien d’une banlieue américaine banale et anonyme, la fameuse banlieue tellement typique, si proprette et bien lisse en apparence, où l’on rencontre pourtant les cas les plus bizarres d’êtres humains que la Terre n’est jamais porté ainsi que les comportements et autres états d’esprits les plus noirs, sombres et tordus, à faire passer John Wayne Gacy et ses charmants émules sociopathes pour des enfants de chœur! Entre rêve (ou plutôt cauchemar!) et réalité, fantasmes de créatures mi extra-terrestres mi films d’horreur tendance série Z qui apparaissent soudainement dans un quotidien qui ressemble à tout sauf à un quotidien lambda, ces 4 récits nous entraine dans la vie bizarroïde et trépidante de Tony le grand bébé, sorte de Oskar Matzerath improbable et version US, avec qui il partage cet état d’esprit d’éternel enfant qui refuse de grandir et fasciné par tout ce qui est abominable et repoussant. 




















En conclusion, et bien qu’il soit difficile de conclure aussi rapidement face à un tel sommet artistique, au style graphique absolument percutant et magnifique, LE style imparable de monsieur Charles Burns qui en génie absolument du 9eme Art Américain ne se contente pas uniquement d’être brillant avec ses seuls dessins puisqu’il est également un prodigieux conteur avec ses storytellings captivantes dans lesquels nous plongeons volontiers à corps perdus, en conclusion je dirais que ce « Big Baby » avec sa galerie de personnages détraqués à souhait, bizarres et superbement iconoclastes, à mi chemin entre un film de Ed Wood, un freak show tendance Tod Browning et un épisode des « Contes de la Crypte » versus Godzilla est une très belle découverte, une rencontre du 3ème type qui enthousiasmera bien évidemment les lecteurs de l’iconique « Black Hole », mais aussi les amateurs de films noirs fauchés et séries Z tendance Nanarland, les amoureux de la contre culture américaine biberonnés à Robert Crumb et Daniel Clowes, mais aussi tout les lecteurs plus « lambdas » désireux de découvrir quelque chose de différent, une œuvre sortant des sentiers battus, aux antipodes d’une certaine ligne claire ou d’œuvres plus politiquement correctes qui pullulent sur les têtes de gondole des librairies! Une certaine vision de l’Amérique contemporaine croquée par le talent de Charles Burns aussi, maitre absolu en matière de critiques incisives de ses semblables, mais toujours avec un grand sens de l’humour (noir bien entendu!) et une certaine poésie macabre.

********* « Big Baby » dessins et scénario par Charles Burns, édition française Cornélius *********

N.B: les œuvres de Charles Burns sont toutes éditées aux États Unis par le fabuleux éditeur Fantagraphics Books situé à Seattle, et qui édite entre autre la crème de la bande dessinée underground américaine telle que Daniel Clowes, Jaime Hernandez ou Chris Ware.

lundi 26 juin 2017

Le Horla, fantastique Maitre Maupassant

"Murded angels
Bodies in bedlam
A women scorned
You can't hang me

I'm insane..."

I'm Insane, Sonic Youth, 1985

Les lectures de l'été, les fameuses lectures conseillées pendant cette brève période de l'année chaude et ensoleillée, synonyme de liberté et de farniente, "vacances, j'oublie tout" comme disait la chanson, c'est un peu la marotte des libraires et des journalistes responsables des pages culture des magazines. Étant également libraire et d'une certaine façon journaleuse responsable d'un petit blog à vocation pop culturel, je me devais de parler moi aussi de ces incontournables lectures estivales puisque nous entamons cette période qui semble démarrer sous les meilleurs hospices avec ses fortes chaleur et son soleil quasi omniprésent. Sauf que je ne suis pas vraiment un aficionado de la chose, de cet exercice de style imposé et un brin conformiste, à coup de "livres évènements", "écrivains qui font le buzz" et autres ouvrages au contenu "sympa et léger" car quand on bronze sur la plage, que ce soit en Californie ou à Pornichet, on veut forcément toutes et tous du "sympa et du léger" pour rêver et passer un bon moment, ce qui est une chose louable en somme, mais pas vraiment dans les cordes de votre serviteur. C'est pourquoi j'ai choisi de vous présenter les choses à ma façon, mes quelques lectures d'été (mais complètement valables pour toutes les autres saisons en fait!) avec des livres intemporels et hors modes, parfois hors formats et hors normes comme je les aime, des livres pas forcément "sympa et légers" mais qui peuvent susciter rêves et émotions, rires et frissons. Du frisson justement aujourd'hui avec un recueil de nouvelles fantastiques écrit par l'un des maitres méconnus du genre, j'ai nommé Guy de Maupassant, un voyage sombre et fantastique dans lequel j'aimerais vous entrainer, à la (re)découverte d'un auteur culte et essentiel de la littérature française.


































Quand on lit "Le Horla" on pense d'emblée à un classique de la littérature du XIX e siècle, réminiscence de souvenirs pas très agréables pour certains des lectures imposées dans le cadre scolaire, Chateaubriand, Balzac, Maupassant et compagnie, des lectures jugées "vieillottes" et "terriblement dépassées", très souvent subies et non choisies, ce qui est à mon avis une grave erreur car donnant une image erronée de la littérature dite classique, mais la n'est pas le débat. Le dit Horla est l'archétype même de l’œuvre qui à été mainte et mainte fois décortiquée, critiquée, disséquée et analysée sous toutes ses coutures, parfois ad nauseam, les études fleurissent sur le sujet, ce qui est l'apanage d'une grande œuvre, d'un chef d’œuvre qui continue de hanter bon nombre de lecteurs puisque certaines questions semblent demeurer sans réponses. Guy de Maupassant était un brillant écrivain de nouvelles percutantes et hautes en couleurs, un fin observateur des mœurs de son époque, un homme moderne, sensible et visionnaire, qui n'hésitait pas à dénoncer les injustices et à défendre les plus faibles, sa fin fut tragique puisque emportée par la maladie il se suicida. Ce que nous avons tendance à "zapper" et je le déplore, c'est que l'homme responsable de "La Maison Tellier", "Contes de la Bécasse" et autre "Bel Ami" était aussi un génie mé(mal?)connu de la littérature fantastique, un vrai, un grand, au même titre qu'un Lovecraft, un Edgar Allan Poe ou un Jean Ray. Sauf que l'histoire retient surtout un auteur à nouvelles sur sa Normandie natale, avec ses drames campagnards, ses amours malheureux, ses splendides paysages et ses hymnes à la mer, alors qu'il a aussi écrit des superbes histoires sombres et terrifiantes ou le rationnel flirte sans cesse avec le merveilleux, teinté de mélancolie gothique et d'une pointe de sensualité à fleur de peau, la marque de fabrique de l'auteur, un homme connu pour aimer passionnément les femmes. Le recueil que j'ai choisi de vous présenter met certes le fameux Horla en avant, et cerise sur le gâteau, dans ses deux versions puisqu'il n'y a pas un seul Horla mais deux, deux versions très différentes l'une de l'autre mais captivantes et complémentaires, ainsi qu'une kyrielle de nouvelles fantastiques minutieusement choisies, des petits bijoux au suspens haletant, bardés de personnages charismatiques et ambigus, une écriture fine et ciselée, macabre et poétique comme Maupassant en avait le secret, un univers fascinant ou s’entremêlent folie, désespoir, amour éternel, érotisme morbide et quête de soi même, j'ai été particulièrement enchanté par l'histoire de "La chevelure" et son érotisme étrange, dérangeant et sublimement poétique ainsi que par le très énigmatique "Qui sait" que l'on peut voir comme une sorte de prémisse au Horla justement avec son style narratif à la 1ère personne et son personnage principal qui s'enfonce progressivement dans la folie, complètement happée par celle ci, sans comprendre véritablement ce qui lui arrive.  





























Si vous aimez les récits fantastiques de facture "classique", cet ouvrage est fait pour vous, mais si vous êtes davantage porté sur l'originalité et le caractère fantasque d'une fiction, ce recueil est également fait pour vous, ce qui prouve toute l'étendu du (très) grand talent de Guy de Maupassant, auteur inclassable, complètement moderne et génial qui n'a jamais cessé de se renouveler, conteur magique dont les mots plein de poésie, de tendresse, de tristesse et d'humour même continuerons de résonner longtemps dans l'esprit de ses nombreux lecteurs et admirateurs, dont je fais moi même parti depuis très longtemps. A lire tranquillement assis sur un banc au soleil, à l'ombre d'un grand arbre majestueux, sur une plage lumineuse ou dans une forêt sombre, à la belle étoile lors d'un songe d'une nuit d'été ou dans la solitude d'une petite chambre close un jour de pluie, qu'importe le lieu et le temps puisque ce très beau recueil vous entrainera dans un monde (dé)senchanté et fascinant, et je l'espère à la redécouverte d'un écrivain d'exception qui n'a vraiment rien, et jamais rien eu de scolaire et d'académique.  

** "Le Horla et autres récits fantastiques" de Guy de Maupassant, éditions Hachette, collection Le Livre de Poche.**

samedi 30 juillet 2016

Doomboy, l'histoire du guitar hero inconnu

"I try to laugh about it
Cover it all up with lies
I try and
Laugh about it
Hiding the tears in my eyes
'cause boys don't cry
Boys don't cry..."

Boys don't cry, The Cure, 1980

Il y a des auteurs avec lesquels j'ai d'emblée quelques atomes crochus, mais ça j'imagine que vous le saviez déjà chers lecteurs à force de lire mes petites chroniques, des auteurs originaux possédant un style hors norme et inédit, qu'ils soient écrivains ou dessinateurs. Et aujourd'hui justement je vais vous parler de l'un d'entre eux qui combine à merveille les deux disciplines, texte et dessins, il s'agit d'un artiste mexicain incroyablement doué, Tony Sandoval, et dont l'univers sombre rempli de teenage désenchantés avec un je ne sais quoi de fantastique me rappelle un peu celui de Poppy Z Brite, écrivain adorée devant l'éternel par votre serviteur. Je suis tombée sur cet étrange "Doomboy" dont le titre plein de promesses m'a interpellé, magnifique couverture au style à la fois chatoyant et lugubre, et je me suis dit que cet ouvrage avait très largement sa place dans l'Interzone des livres et que le Dr Benway se devait de le prescrire. Partons donc tous ensemble à la découverte du petit monde insolite de Tony Sandoval.


































J'aime les histoires d'ados rebelles, écorchés vifs et turbulents, un peu comme ceux qui peuplent les superbes romans de Poppy Z Brite, les "teenage riot" décrit par Sonic Youth dans leur chanson éponyme, ces jeunes gens farouches plein d'inventivité et de blessures secrètes, comme le héro touchant de "Doomboy". Doomboy, ou plutôt D est un adolescent solitaire passionné de musique rock au style métal et alternatif, une sorte de Kurt Cobain écorché vif jouant pour lui même de la guitare électrique. Mélancolique et secret, D renferme en lui une grande blessure, causée par la disparition de sa petite amie et âme sœur Anny, blessure qui prends la forme d'un trou béant au niveau de son cœur, subtile métaphore de son délabrement intérieur et de sa tristesse immense. La musique lui permettra de lutter contre le désespoir sans fin qui le ronge, jouant sans cesse ses chansons poignantes à la guitare qui sont captées par un vieil émetteur radio et transmises à sa défunte bien aimée dans l'Au Delà, espérant ainsi continuer à vivre d'une certaine manière avec elle. Sauf qu'Anny n'est pas la seule à profiter des talents de D, puisque toute la ville capte et entend ses chansons, chansons commises par un certain Doomboy dit la rumeur. Mais qui est donc ce mystérieux guitar hero inconnu qui fascine et déchaine tant les foules?



























J'ai adoré lire les tribulations tragico-surréalistes de cet ado super attachant avec sa longue tignasse, sa dégaine grunge et son trou béant dans le cœur, les dessins de Tony Sandoval étant absolument superbes et expressifs, mélange de clarté lumineuse et d'esthétique néo goth, à mi chemin entre Tim Burton et Manu Larcenet période Combat Ordinaire. Une certaine douceur dans un univers sombre et triste, comme un merveilleux cauchemar éveillé ou les sentiments sont exacerbés pour ces jeunes à fleur de peau, vivant à travers la musique rock et les riffs de guitare. Un roman graphique subtil et intelligent, beau comme une chanson de Soundgarden, abordant les thèmes délicats de la disparition d'un être cher, la tristesse qui en découle et de la perte de repères avec pudeur et même un certain humour. Une découverte intéressante qui je l'espère vous bouleversera autant que je l'ai été, Doomboy ce héro inconnu, mériterait de figurer au panthéon des musiciens rocks, au côté de Stiv Bators et Kurt Cobain.

** "Doomboy" scénario et dessins de Tony Sandoval, éditions Paquet, collection Calamar. Lecture conseillée à partir de 13 ans **

jeudi 9 juin 2016

H.P Lovecraft, Cthulhu et la saison des sorcières!

"When I look out my window
What do you think I see?
And when I look in my window
So many different people to be
It's strange, sure it's strange..."

Donovan/Hole, Season of the witch
 
Cela fait un bail que je n'ai rien posté sur mon petit blog, et pourtant ce n'est pas faute d'inspiration mais de temps, la librairie étant parfois (souvent?) une maitresse exigeante, je m'empresse aujourd'hui de réparer cette inqualifiable erreur en écrivant une nouvelle chronique pour fêter dignement mes retrouvailles avec ma très chère Mauvaise Influence, cette grande amie précieuse et sincère qui m'a toujours guidé dans mes choix les plus fous et audacieux en matière de livres, d'Art ou de musique, m'ouvrant des perspectives intéressantes en me permettant de nager à contre courant avec bonheur et d'apprécier tout ce qui peut rebuter la majorité bien pensante. Écrire rimant avec plaisir, surtout quand il s'agit de parler de ce qui nous fait vibrer passionnément ou de défendre bec et ongles tel ou tel œuvre, je ne pouvais davantage rester plus longtemps tapie dans un recoin sombre de l'Interzone sans parler de ce qui me tient à cœur, surtout au vu des dernières sorties plutôt "canon" et de haute volée au rayon romans graphiques, c'est pourquoi j'ai l'immense joie de vous parler d'une adaptation de Lovecraft intitulée " Les rêves dans la maison de la sorcière", éditée par l'excellente maison d'édition Rue de Sèvres, c'est donc la seconde fois ici que je met à l'honneur cet écrivain talentueux et génialement dérangé, créateur grandiose du mythe de Cthulhu et d'un univers unique souvent imité mais JAMAIS égalé.



































Encore une nouvelle adaptation de Lovecraft me direz vous... Il est vrai que le bonhomme est fortement inspirant, auteur culte et doté d'une aura unique, véritable icône pour tout les vrais amateurs de littérature fantastique, mais d'un autre côté il n'existe pas tant d'adaptations que ça de son œuvre en matière de BD/graphic novel comparé à d'autres auteurs, ce qui peut paraitre étonnant, voir aberrant au vu de son statut d'écrivain iconique. L'année dernière j'avais fait une chronique sur "La quête onirique de Kadath l'inconnue" édité par Akileos et qui était une franche réussite, qu'en est il de cette "maison de la sorcière"? Plongée en apnée dans ce roman graphique en grand format, dont la très belle couverture nous laisse présager le meilleur, pour y découvrir un univers sombre et horrifique cher à l'auteur, une sorte de grand cauchemar éveillé et répétitif que vit Walter Gilman, un brillant étudiant en mathématiques et physique quantique, logeant dans une étrange bicoque pauvre et délabrée, ayant jadis logé Keziah, une vieille sorcière rescapée de la prison de Salem, ville qui fut le théâtre de persécutions atroces contre les dites prétendues créatures maléfiques. Les nuits du jeune homme ne sont plus qu'une successions de songes affreux et réalistes ou il voit la fameuse Keziah et son acolyte Brown Jenkin, un personnage anthropomorphe mi rat et mi humain comploter et voler ses connaissances de scientifique doué afin de s'en servir dans différentes dimensions et voyager à travers le temps et l'espace. Entre rêve et réalité, folie et rationalité, songe et mensonge, quelle est la part de vérité pour notre étudiant perturbé et persuadé d'avoir perdu la raison au profit de personnages étranges et un brin démoniaques vouant des cultes à des divinités tout aussi étranges et démoniaques?




























Fin du voyage et conclusion de cette chronique en vous livrant mon feeling sur ce roman graphique au style élégant, en un mot FABULEUX! Tout d'abord les dessins de Patrick Pion sont particulièrement beaux et expressifs, alternant couleurs et pages crayonnées en noir et blanc, collant parfaitement au style sombre et torturé de Lovecraft, le scénario élaboré par le prolifique Mathieu Sapin est plutôt fidèle à l'original tout en y apportant une touche d'inédit, ce qui donne un cocktail détonnant et plein de charme vénéneux, envoutant tout ceux et celles qui le liront, et j'espère qu'ils/elles seront nombreux car ce serait vraiment dommage de passer à côté d'un tel bijou, que l'on soit fan ou non de monsieur Lovecraft, d'autant plus qu'en son temps cette nouvelle fut fortement décriée par la critique et boudée par bon nombre de lecteurs qui n'y voyaient à tort qu'une œuvre mineure et dépourvue d’intérêt, il était temps de réhabiliter cette sublime "maison de la sorcière" en se jetant sur la nouvelle et cette adaptation brillante.

* "Les rêves dans la maison de la sorcière" d'après la nouvelle de H.P Lovecraft "la maison de la sorcière" ("The dreams in the witch-house") dessins de Patrick Pion et scénario de Mathieu Sapin, éditions Rue de Sèvres.

mercredi 26 août 2015

Kideternity, strange man on the moon

"When a rocket ship explodes and everybody still wants to fly,
But some say a man ain't happy unless a man truly dies,
Oh why?
Time,
Time..."

Prince, sign'o'times, 1986

Parmi les petites nouveautés BD enthousiasmantes de la rentrée 2015, notamment en matière de graphic novels et autres indie comics, voici venir l'un des élus de mon cœur vibrant de libraire, un roman graphique élégant et original édité par ce cher Urban Comics/Vertigo, qui comme chacun le sait, publie tout le catalogue DC Comics dans notre beau pays, ce qui est déjà un gage évident de bon goût et coolitude assuré, diantre rien que ça! Un roman graphique au titre évocateur qui sonne comme une promesse, "Kideternity" (tout attaché!), une promesse évidente d'entrer de plein pied dans un monde étrange, bizarre, onirique, un brin borderline, le genre d'univers ovni que votre serviteur affectionne par dessus tout et prends un malin plaisir à glorifier, n'est pas adorateur de l'Interzone qui veut!


































Autant commencer par un bref pitch afin d'introduire les personnages et de planter le décor, un brin sombre et désenchanté, ce qui pourrait follement contraster avec le métier qu'exerce le héros de "Kideternity", à savoir humoriste excellant dans l'art du stand up, un peu à la manière de Louis C.K (aka le héros déjanté de l'excellente série "Louie") et surtout de Andy "man on the moon" Kaufman, immense comédien américain prématurément décédé en 1984 à l'âge de 35 ans. La mort justement, fil rouge et point commun entre les deux artistes, le réel et le personnage de papier, la mort évoquée de façon magistrale et implacable dès les premières cases, la mort noire sur fond bleu, le genre de chose qui d'entrée de jeu  nous plonge dans une abyme de perplexité. Sauf que contrairement à "l'homme dans la lune", Jerry Sullivan, ne va pas vraiment rejoindre le royaume de l'au delà, malgré le terrible accident dont il est victime un jour. Quoique en fait pas vraiment, puisque un certain mystère plane autour de sa résurrection, lui qui était quasiment aux portes de la mort car salement amoché par un violent accident de voiture, va faire la connaissance d'un étrange individu du nom de Kid, rescapé des enfers et porteur d'une mission des plus particulières, celle de libérer certaines figures importantes de l'Histoire.

































Bienvenus dans l'enfer de Dante, Inferno et compagnie, un aller simple et direct pour l'enfer, straight to hell quoi. Un graphic novel infernal donc me direz vous? Oui et non et pas que. Je dirais plutôt un graphic novel à la Neil Gaiman car rappelant fortement l'univers du mythique Sandman, scénarisé par le très inventif Grant Morrison, à qui l'on doit entre autre les meilleurs séries de Batman, "Dark Knight" et "Arkham Asylum" par exemple, et avec un graphisme élégant et esquissé réalisé par le dessinateur coloriste Duncan Fegredo rappelant justement le comics "Arkham Asylum", petit chef d’œuvre réédité en 2014 par Urban Comics, la boucle est bouclée en somme. Une aventure humaine aux confins du rêve et de la folie, un brin sombre et ténébreuse qui ravira tout les fans de bon comics, d'univers fantastiques et d'ovni hors norme, un one shot captivant et au charme vénéneux qui inconsciemment nous rappelle que la vie n'est qu'une sinistre farce après tout!

** "Kideternity" dessins de Duncan Fegredo, scénario de Grant Morrison, histoire complète en un volume, éditions Urban Comics, collection Vertigo.

vendredi 14 août 2015

La quête onirique de Lovecraft: Brave weird world!

"I am a passenger
And I ride and I ride
I ride through the city's backside
I see the stars come out of the sky
Yeah, they're bright in a hollow sky
You know it looks so good tonight..."


Iggy Pop, The passenger, 1977


Mes envies du moment se dirigeant volontiers vers le 9ème Art, ma chronique du jour sera consacrée à un roman graphique d'un genre un peu particulier, exhalant un doux parfum d'étrangeté et de mythe littéraire puisque, roulements de tambour, il y a du H.P Lovecraft dedans, qui ai je besoin de le rappeler est l'un des plus grands artisans du récit classique d'horreur du vingtième siècle, dixit monsieur Stephen King, qui lui aussi en connait un sacré rayon question horreur et fantastique. Un artisan surdoué aux écrits ciselés et atypiques, reconnaissables entre mille, ce qui est souvent l'apanage des plus grands artistes et écrivains, un fabuleux inventeur de concepts, personnages et univers fascinants qui a été souvent adapté avec plus ou moins de talent à travers diverses œuvres cinématographiques et graphiques, le preuve avec cette mystérieuse "Quête onirique de Kadath l'inconnue" que je m'empresse de vous dévoiler aujourd'hui.





































Quand on pense à Lovecraft, on pense d'emblée à une ambiance sombre, un certain pessimisme maladif qui découragerait les fans les plus endurcis de la méthode Coué, à des choses horrifiques, à une littérature de l'étrange très ancrée dans le mysticisme pas toujours facilement accessible de prime abord et peu aimable en apparence. Oui et non en fait, mais cela n'a pas vraiment d'importance puisque monsieur Lovecraft est avant tout un créateur génial de mythes uniques et cosmiques, à la fois fascinants et terrifiants qui font la part belle aux rêves et à la fantasmagorie. Il en ai justement question ici de fantasmagorie dans cette "Quête onirique de Kadath l'inconnue", adaptation éponyme d'un roman méconnu écrit entre 1926 et 1927, ou l'on retrouve l'un des personnages récurrents crée par Lovecraft, Randolph Carter, sorte de double fictif et idéalisé de l'auteur qui, à travers un étrange périple, ne rêve que de retrouver la cité fabuleuse ou tout semble possible et merveilleux, un monde idéal et onirique, bien loin du monde réel et banal. Une quête fantastique mais qui n'est pas exempte de dangers et d'aventures dans laquelle Randolph Carter se retrouve plongé, attiré par son rêve et par la mystérieuse demeure des dieux Kadath. Mais les forces obscures veillent, tapies dans l'ombre, voulant empêcher notre héros d'atteindre son but ultime. 

































Des thèmes superbes qui personnellement m'ont beaucoup touché, comme ce vibrant hommage au pouvoir de l'imagination sur la banalité du monde réel, cette recherche utopique d'idéal qui est loin d'être une cause perdue, bien au contraire même, tout ceci dans un univers fantastique tantôt lumineux et plein d'espoir, tantôt sombre et désespéré, on l'on retrouve avec une certaine évidence tout ce qui fait le sel savoureux d'une œuvre de H.P Lovecraft, servi par des dessins élégants, modernes et esquissés qui retranscrivent très bien l'univers de l'écrivain. Un roman graphique digne de ce nom donc sorti chez Akileos, à qui l'on doit entre autre une pléthore de petits bijoux comme Courtney Crumrin (dont je parlerais prochainement bien entendu!) et qui ravira les amateurs exigeants de bande dessinées à caractère littéraire, les fans de Lovecraft bien entendu qui ne seront pas déçus du voyage, les amateurs de science-fiction, fantastique et terreur, ainsi que les incorrigibles et éternels rêveurs, catégorie pour qui j'ai toujours une tendresse infinie.

** "La quête onirique de Kadath l'inconnue", d'après H.P Lovecraft, texte et dessins par Culbard, éditions Akileos.