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jeudi 15 juin 2017

Alright, This time, Just the girls, chronique d'une révolution punk féministe

"Retard girl makes us sick
Retard, poke her with a stick
Well, she walks funny
Kind of like a pig..."


Retard Girl, Hole, 1990 

J'ai délibérément choisi les mots percutants de Courtney Love pour introduire ma chronique du jour, un choix réfléchi mais également hésitant car quand je pense aux "filles en colère", d'autres noms et visages me viennent à l'esprit, des biens moins connus que cette grande dame du grunge, éternelle teenage whore aux cheveux ultra décolorés et aux petites robes de babydoll pastel, célèbre auprès du grand public pour sa romance tumultueuse avec un autre géant du grunge, Kurt Cobain (R.I.P), ses frasques et ses excentricités de junkie qui ont fait la une des tabloïds du monde entier. Mais il faut bien le reconnaitre, Courtney Love est une actrice majeur de ce courant artistique et underground du début des 90' (essentiellement aux USA), un courant salvateur et qui telle une lame de fond, a ravagé certaines choses bien établies, monotones et corporate, remettant au passage quelques pendules à l'heure, notamment sur les questions brûlantes du sexisme, du patriarcat omniprésent et destructeur, et de la place des filles dans la société et le monde du rock. Le livre que j'ai choisi aujourd'hui est un essai qui relate la genèse du mouvement des Riot Grrrls (avec 3 R), sa vie parfois mouvementée et sa galerie de personnages fascinants, véritables héroïnes franches tireuses qui ont énormément apporté à la cause féministe moderne, en créant des idées et des fanzines, se rassemblant pour jouer de la musique et chanter leurs revendications salvatrices à la face du monde engourdi.


 































Tout d'abord et il est très important de la signaler, car la chose est plutôt rare dans le très convenu et policé paysage éditorial français en dépit de certains éditeurs comme "Camion Blanc", "Le Castor Astral", "Le Diable Vauvert" ou "Le Mot et le Reste" qui font un excellent boulot en osant éditer des auteurs hors normes ou des bouquins sur des artistes underground, confidentiels ou jamais reconnus du grand public friand de mainstream avec l'estampille "vu à la télé" (j'en profite d'ailleurs pour les remercier énormément pour cela, continuez les gars, franchement c'est cool de lire vos publications!), le livre que je tient entre les mains aujourd'hui est un fantastique essai écrit par une française, Manon Labry, une jeune doctorante plutôt calée sur la question, spécialisée en civilisation nord-américaine, et ça tombe plutôt bien puisque le dit mouvement des Riot Grrrls est typiquement nord américain, a été assez populaire et reconnu dans certaines régions des États Unis (Seattle, Portland, Olympia, Washington DC entre autre) mais s'est fait plutôt discret en Europe, très peu représenté voir même inexistant en France, mis à part l'un des rares groupes grunge français du nom de Sassy qui a brillamment repris le flambeau d'un courant musical qui n'a pas disparu, pour notre plus grand bonheur, en perpétuant la magie du grunge et l'esprit des Riot Grrrls à travers leurs musique somptueusement abrasive et leur lyrics décapants (je vous invite à les découvrir via le lien au bas de ma chronique). Cet essai que j'ai découvert il y a quelques mois sur les conseils d'une amie qui me savait amateur de ce type de musique, est loin de ressembler aux autres essais que l'on peut lire habituellement sur la musique, d'une part par le ton délibérément drôle et décomplexé voir familier utilisé ici, instaurant une sorte de complicité proche avec le lecteur, comme une bonne copine qui te raconterait un super concert qu'elle aurait vu la veille. Le sujet est suffisamment captivant et très bien maitrisé, on apprends beaucoup de choses passionnantes, sur la musique, le féminisme, la musique reliée au féminisme et inversement, une révolution menée de front par des femmes de cœur et de convictions, qui en avaient tout simplement ras le bol de vivre dans un carcan patriarcal bien établi, ou il faut être la plus belle, la plus douce, la plus féminine, la plus ceci ou cela pour correspondre aux normes imposées par la société, en étouffant sa véritable personnalité et ses rêves, sois belle et tais toi en somme, des choses insupportables qui hélas sont loin d'avoir disparues aujourd'hui.





























Un excellent ouvrage, très bien documenté et passionnant, employant un ton accessible et non dénué d'humour ce qui lui donne d'emblée un côté très sympathique et attachant. J'avais parlé dans mon ancien blog d'un autre bouquin de référence sur le sujet "Cinderella's big score, women of the punk and indie underground", un excellent ouvrage très complet avec une riche iconographie mais malheureusement tout en anglais et disponible uniquement en import bien entendu, j'étais un peu dans l'attente d'un vrai bon livre complet en français sur le rock au féminin et il faut dire que mes désirs ont été exaucés bien au delà de ce que j'espérais, good job! A découvrir absolument, même si vous ne connaissez que peu de choses aux Riot Grrrls, aux mouvement indie/grunge/hardcore au féminin, ce livre est suffisamment captivant et accessible au plus grand nombre, pour toutes celles et ceux qui ont l'âme féministe, je vous le recommande chaudement, à écouter de préférence avec un bon vieux Babes in Toyland ou une compil' Sympathy For The Record Industry à fond!

** "Riot Grrrls, chronique d'une révolution punk féministe" de Manon Labry, éditions La Découverte sous le label Zones. 

** Un vrai bon groupe grunge 100% français, avec deux excellents musiciens dont une chanteuse qui décoiffe! https://www.facebook.com/pg/sassyweb/about/?ref=page_internal

dimanche 17 juillet 2016

Le nénuphar, à l'ombre d'une jeune femme en fleur

"Support the power of women
Use the power of man
Support the flower of women
Use the word
Fuck
The word is love..."

Flower, Sonic Youth, 1985

J'aime décidément beaucoup cette rubrique qu'est "Cinderella's big score" qui, comme vous l'avez certainement compris chers lecteurs, est exclusivement dédiée à toutes ces femmes fortes et exceptionnelles que j'admire beaucoup, qu'elles soient réelles ou fictionnelles, faites de chair et de sang, de papier et d'encre, celles qui vivent envers et contre tout leur vie et leurs rêves, guerilla girls et femmes indépendantes, personnages d'exception et franc tireurs pour qui les mots "honnêteté", "courage" et "liberté" ne sont pas de vulgaires concepts abstraits, mais un vrai lifestyle à part entière, indissociable de leurs personnalités. Je parle souvent de rockstars et autres teenage riot girls qui seraient dessinées par Jamie Hewlett ou Daniel Clowes, personnages fictifs qui me ressemble sur beaucoup de points et qui sont liés corps et âmes à la Mauvaise Influence, mais aujourd'hui je vous parlerais d'un personnage bien réel, une jeune femme combattante, vraie warrior en puissance qui m'a bouleversé et aussi beaucoup amusé avec une première œuvre graphique traitant d'un sujet qu'elle connait très bien hélas et pas vraiment amusant de surcroit puisqu'il s'agit du cancer. J'avais déjà parlé de ce sujet par le passé avec un roman graphique du nom de "Chauve(s)", écrit et dessiné par Benoit Desprez qui raconte les tribulations de sa compagne atteinte du cancer du sein sur un ton rafraichissant et décalé, car d'une part je m'y intéresse depuis quelques années déjà même si personnellement je n'ai jamais été concernée par la maladie et puis je trouve qu'il y a encore trop peu d'ouvrages de qualité concernant les témoignages de (sur)vivants, pour certains cancer rimant avec pleurer dans les chaumières ou carrément relégué au rang de vilain tabou dont il ne faut jamais prononcer le nom. Alors que briser le silence reste à mon sens un moyen imparable de faire face à l'adversité et d'exprimer des choses fortes, et c'est ce que fait très bien notre héroïne "flower girl" du jour.


































Difficile d'imaginer le scénario de la maladie quand on est bien portant, impensable de s'entendre dire un beau jour "vous êtes atteint d'un cancer" puisque cela n'arrive qu'aux autres et jamais à soi même parait il. Et pourtant, Chloé Renault est passé par cette étape la, piégée à l'âge de 22 ans par cette créature invisible et sournoise que l'on appelle pudiquement "crabe", ennemi redoutable qui dans son cas s'appelle cancer du sinus, bourgeonnant sans limite telle une fleur du mal. Une fleur du mal qui à éclos peu à peu en elle, venant de l'inconnu car malgré les avancées considérables de la médecine, on ne peut pas exactement dire pourquoi une telle chose nous arrive soudain, et c'est bien ça le drame. Un drame qui faut avoir vécu de l'intérieur et au quotidien pour le comprendre véritablement, et Chloé en parle à la fois avec tant d'humour, de joliesse et de lucidité dans son carnet de route, sobrement intitulé "le nénuphar", décrivant ainsi sa propre fleur du mal qui lui a causé tant de péripéties. Bon nombre de témoignages sur le cancer pullulent sur les étals des libraires, du plus humble au plus "people", cependant la plupart d'entre eux ne reflètent qu'une vision assez simpliste très hagiographique et larmoyante de la maladie histoire de bien faire pleurer dans les chaumières et sans réellement vouloir faire avancer les choses, personnellement ce genre d'ouvrages m'agacent au plus haut point, ces sentiments factices de pitié et de commisération dégoulinante très peu pour moi. Le livre de Chloé Renault se démarque complètement de ceux la, puisqu'au delà du simple témoignage, il apporte une dimension nouvelle et pleine de fraicheur avec son lot d'anecdotes parfois amusantes sur un sujet qui ne l'est pas forcément, des petites astuces bien senties, et surtout une vraie belle réflexion personnelle sur le cancer et ce qui en découle, la vie quotidienne, les traitements lourds et contraignants, les relations sociales souvent compliquées, les questions intimes et la crainte d'une rechute, telle une épée de Damoclès perpétuelle au dessus de la tête.





























Un bel ouvrage au ton rafraichissant et décalé comme on aimerait en voir plus souvent dans les librairies, agréable à lire avec ses petits dessins drôles et pertinents accompagnant un texte tout aussi drôle et pertinent. Le genre d'initiative salvatrice pour faire prendre conscience à tout ceux et celles qui prennent peur devant cette redoutable maladie qu'est le cancer, on plutôt devrais je dire LES cancers, que rien ne vaut le courage et la franchise, et surtout de ne JAMAIS cesser de vivre envers et contre tout, espérer sans cesse, sans forcément tomber dans des délires new age de baba cool type méthode Coué complètement vides de sens. La maladie cela n'arrive pas qu'aux autres, nous pouvons tous être concernés un jour ou l'autre, mais cela ne doit jamais briser notre envie d'exister et de continuer le combat, même tenaillé par le doute et la peur du lendemain, et cela Chloé l'explique très bien de son point de vu de (sur)vivante. Et plus qu'un simple carnet de route aux allures de journal intime illustré, ce "nénuphar" explique aussi aux néophytes quelques termes techniques concernant le cancer de façon ludique avec un petit glossaire détaillé. A mettre entre toutes les mains, malades ou bien portants, pour tout les vivants et les êtres humains de 15 à 150 ans dès la rentrée prochaine!

** "Le nénuphar, carnet de route avec un cancer", textes et dessins de Chloé Renault, éditions Marabout. Disponible à partir du 5 octobre **

** Le site officiel de l'association http://www.lenenuphar.fr/

samedi 2 juillet 2016

Thumbelina, le conte de fées bizarre et merveilleux de Ciou

"For all the time spent in that room 
The doll's house, darkness, old perfume 
And fairy stories held me high on 
Clouds of sunlight floating by..."


Matilda mother, Syd Barrett, 1967

Je ne suis pas vraiment une aficionado des contes de fées, que ce soient les versions "officielles" écrites par les plus grands comme les frères Grimm, Charles Perrault et Andersen, ou les abominables copies hyper édulcorées revues et corrigées par monsieur Walt Disney pleines de belles princesses énamourées qui n'attendent qu'une seule chose, la venue de leur prince charmant, et le happy end idéal de circonstance sur le mode "ils se marièrent et eurent beaucoup d'enfants". Bon certes, j'extrapole et exagère sans doute un peu, puisque les contes de fées ne sont pas forcément et uniquement synonymes de bon sentiments dégoulinants de paillettes et autres petits cœurs en sucre rose, bien loin de la même, il suffit de lire l'excellent livre de Bruno Bettelheim "Psychanalyse des contes de fées" et certains contes d'Andersen comme le très poignant "La Petite Sirène" avec sa fin tragique et déchirante à souhait, à faire passer "Love Story" ou "Roméo et Juliette" pour la dernière des bluettes joyeuses. Ce que je n'apprécie pas vraiment en fait dans cette histoire de contes, sans mauvais jeux de mots, c'est le décorum un peu kitsch qui les enrobent, j'en veux pour preuve les nombreux bouquins illustrés (exception faite pour les illustrations de Gustave Doré bien entendu, qui restent un must absolu et inégalable en la matière!) au faciès ultra classique et "déjà vu", bien mignons et jolis certes, mais pas du tout dans le style avant-gardiste, étrange et outsider que j'affectionne tant. Quelle ne fut pas ma surprise alors quand je suis tombée sur un étrange ouvrage à la couverture pleine de promesses, un conte de fées d'Andersen justement, connu sous le nom de "Thumbelina" ("La Petite Poucette" en VF) et illustré par une artiste toulousaine mé(mal)connue que j'apprécie énormément et que je suis avec une certaine assiduité depuis ses débuts fracassants dans les années 2000. Bienvenus dans le petit monde bizarre et merveilleux de la fée Ciou(xsie) avec ses drôles de Banshees!


















Poucette ("Tommelise" en danois, et "Thumbelina" pour la version internationale!) est une toute petite fille, au sens propre comme au figuré, née d'une graine offerte à une femme en mal d'enfants par une gentille sorcière sensible à la détresse de cette dernière. Comme son nom l'indique, Poucette est toute petite, de la taille d'un pouce, et va vivre mille aventures périlleuses remplies de tribulations étranges et de personnages qui le sont tout autant, avant de rencontrer l'amour, en la personne du Prince des Fleurs et qui fera d'elle sa Reine des Fleurs. Un très joli conte mettant en avant certains valeurs comme le courage, la persévérance et le droit à la différence même, être petit et menu ne signifiant pas forcément être condamné à rester faible, passif et seul dans la vie. Ciou, jeune artiste française née à Toulouse en 1981 et connue pour son style graphique unique à la fois mignon, sombre et psychédélique, nous propose ici une intéressante relecture des aventures de Poucette, fidèle à l'esprit sombre et désenchanté d'Andersen avec ses dessins très particuliers, superbes et inquiétants, très creepy cute, sorte de croisement magique entre un manga underground, un tableau psychédélique qui aurait été peint par Timothy Leary et un univers gothique, plein de romantisme sombre et de poésie macabre. Un univers incroyable qui concorde plutôt bien avec celui d'Andersen, rendant au passage cette petite princesse entourée de freaks terriblement attachante, dans une version bilingue en français et en anglais, ce qui apporte une petite touche internationale plutôt sympa à l'ensemble.















Depuis que je possède un exemplaire de ce "Thumbelina", j'avoue le lire et le feuilleter inlassablement tant je suis fan "hardcore" et plus que convaincue de ce style graphique absolument superbe et original, les qualificatifs élogieux ne peuvent que fuser quand j'admire le travail de Ciou, un travail incroyable et reconnaissable entre mille, bien qu'influencé par toute une génération d'artistes que j'affectionne aussi beaucoup, que ce soit Junko Mizuno (artiste japonaise connue elle aussi pour ses relectures kawaii et trash des contes de fées), Tim Burton, les peintres américains Mark ryden et Camille Rose Garcia, et des influences multiples et bigarrées comme l'univers des gothiques lolita, le psychédélisme, le creepy cute, les cabinets de curiosités, les Art toys, la BD underground, la scène "poster rock", et l'alternatif en général, le genre de choses pas franchement hyper commerciales et grand public, et c'est tant mieux, vive les artistes libres et audacieux comme Ciou qui s'expriment de façon originale et personnelle, faisant fi aux conventions et à l'establishment de l'Art sans aspérités et sans saveur. Un joli cadeau à s'offrir ou à offrir à tout amateur de conte de fées décalés, d'originalité, d'Art stylé et de beaux livres en général.


** "Thumbelina" dessins et scénario de Ciou, d'après Andersen, texte bilingue français/anglais, éditions Scutella. Lecture conseillée à partir de 13 ans **

** Le site de l'illustratrice pour découvrir son fascinant univers! http://www.ciou.eu/ **

mercredi 29 juin 2016

Lady killer, ma tueuse bien aimée

" Cos When I'm Talking Talking Personality Personality
And You're A Prima Ballerina On A Spring Afternoon
Change On Into The Wolfman Howling At The Moon Awoooh
Got A Personality Crisis Ya Got It While It Was Hot
So Hard Y'know Frustration And Heartache Is What You Got
Talking 'Bout Personality..."

New York Dolls, Personality Crisis, 1973

Ce que j'aime par dessus tout, dans la vie (réelle et fictionnelle) et sur mon blog ce sont les personnalités borderline, marginales, insaisissables, nageant totalement à contre courant des normes, se fichant du qu'en-dira-t-on édicté par les chantres du politiquement correct et du soit disant bon gout, j'adore les personnages originaux, qu'ils soient réels ou fictionnels, ceux qui évoluent dans des sphères libres ou l'indépendance, l'originalité, la créativité débridée et la franchise ne sont pas que de vains mots ou des concepts sans relief, avec un faible pour les guerilla girls, celles qui fracassent tout sur leur passage, tel Attila le Hun en Doc Martens et robe babydoll à la Courtney Love, que ce soit les clichés liés à leur condition de femme façon "sois belle, tais toi et fais moi un sandwich femme!" et les rôles ultra bien définis de type second couteau/jolie potiche/belle plante/maman attentionnée/teenage décérébrée/trentenaire désespérante et désespérée. Et pour démarrer en beauté les hostilités et inaugurer de surcroit une nouvelle rubrique consacrée à la gente féminine (et non pas à "lafâme", attention puisque ici il ne sera JAMAIS question de culture girly bien genré, celle popularisée entre autre par les magazines féminins et Margaux Motin, mais je reviendrais la dessus dans une chronique ultérieure), laissez moi vous présenter aujourd'hui l'une de ce femmes fracassantes, une certaine "Lady Killer" qui n'a pas vraiment froid aux yeux, née de l'imagination de deux auteurs superbement inspirés et bien barrés aussi, Joëlle Jones (dessin) et Jamie S.Rich (scénario).


































Mais qui est donc Lady Killer? Une femme très wasp des 50' en apparence bien sous tout rapport, sorte de croisement entre Peg "Ambassadrice Avon" Bogg du film "Edward aux mains d'argent" pour le job et Jackie Kennedy-Onassis pour le look étrangement similaire. Voila pour les apparences, qui comme le dit si bien le proverbe peuvent être trompeuses, puisque notre héroïne, répondant au délicieux nom de Josie Schuller n'est pas vraiment celle que l'on croit, exhalant une troublante ambivalence et une personnalité bien complexe. Mère de famille attentionnée et épouse exemplaire le jour, il s'avère qu'elle est aussi une redoutable tueuse à gage, méthodique et impitoyable, zigouillant toutes celles et ceux qui se mettent en travers de son chemin avec un flegme et une froideur stupéfiante. Une double vie totalement assumée et une personnalité multiple flirtant avec la schizophrénie mais bien définie, Josie n'apparaissant pas vraiment comme une femme folle et dérangée avec l'écume aux lèvres et le couteau entre les dents, juste bonne à enfermer dans l'asile psychiatrique le plus proche avec traitement aux électrochocs et camisole de force, c'est tout le contraire même, et c'est ce qui fait sa force et son atout principal, jouer à fond sur les apparences trompeuses et toujours rester maîtresse d'elle même en mode control freak. Une double existence pleine de tribulations mouvementées pour notre héroïne au visage d'ange et aux pimpants tailleurs 50' toujours impeccables, assassinant sans remord et avec la même légèreté que si elle préparait une tarte aux pommes pour le gouter de ses enfants, un paradoxe trash et charmant que cette Josie alias la femme aux deux visages, insaisissable, mystérieuse, belle, déterminée et ultra intelligente, les qualificatifs ne peuvent que fleurir pour décrire un tel personnage atypique à souhait, en décalage avec l'état d'esprit politiquement correct de l'Amérique des 50', conservatrice et très à cheval sur la répartition des rôles homme/femme ou chacun doit rester à sa place, les hommes se devant d'être virils en maniant armes à feux et autorité patriarcale, et les femmes douces et compatissantes responsables d'un foyer parfait ou règnent l'ordre et la propreté.






























En résumé, nous avons affaire à un comics inclassable et atypique, avec une héroïne tout aussi inclassable et atypique, ce qui est franchement fort séduisant et apporte une indéniable touche de fraicheur dans un univers graphique ou les femmes n'ont pas toujours les meilleurs rôles, même si les mentalités un brin machiste de la BD tendent à évoluer vers de meilleurs sentiments. Les deux auteurs offrent ici un bel écrin à la hauteur de ce personnage original qui est bien loin de ressembler à une desperate housewife ou alors version LSD et carnages sanglants, le genre que l'on aimerait voir plus souvent dans des fictions toutes catégories confondues. Un univers de folie et de violence qui peut faire froid dans le dos, mais pas forcément celui des meurtres sanglants commis par Josie, car sa petite vie banale d'épouse parfaite tendance Samantha Stephens dans "ma sorcière bien aimée" est bien plus flippante au demeurant. Doté d'un scénario passionnant et d'un graphisme de style vintage, ce "Lady killer" tome 1 est une franche réussite, et la suite est attendue avec une impatience non dissimulée. Sympathy for lady vengeance!

** "Lady Killer" dessins de Joëlle Jones et scénario de Jamie S.Rich, éditions Glénat Comics. Public adulte, à partir de 16 ans.


vendredi 28 août 2015

ghost world, triste monde tragique

"Look right through me
Say I'm gloomy
Well so sue me
Excuse me, excuse me..."

Splendora, You're standing on my neck, 1997

Parler d'un must absolu en matière de bouquin, le genre de ceux que l'on aime par dessus tout, qui nous fait tomber en pâmoison totale, nous rends fou/folle d'amour en nous embarquant aux portes de l'hystérie et de l'apoplexie foudroyante réunis n'est pas forcément chose aisée tant l'objectivité en prends un coups, mais après tout qu'importe, puisque le but de ce blog n'étant pas d'être objectif, mais admiratif de toutes ces belles choses produites par certains artistes de grand talent, icônes absolues et vénérées de mon Interzone personnel, et pour qui le red carpet est déroulé non stop. Daniel Clowes fait justement parti de cette catégorie précise, celle des artistes iconiques vénérés et absolus, et même si j'en suis persuadée la majorité d'entre vous connaissent déjà l'illustre créateur de David Boring, il me semblait indispensable d'écrire une chronique sur ce cher monsieur aux doigts d'or et à la verve bien pendue. Bienvenus dans un monde fantôme drôle et fascinant.
























Ghost World, monde fantôme... initialement pré-publié entre 1993 et 1997 sous forme de feuilleton dans le cultissime "Eightball", magazine crée par Daniel Clowes en 1989 et édité par Fantagraphics, grand éditeur américain spécialisé dans l'underground artistique et littéraire (Joe Sacco, Charles Burns, Chris Ware, Camille Rose Garcia, ect.., que du très beau linge en somme!), ce roman graphique nous narre le quotidien de deux adolescentes particulièrement cyniques et intelligentes, très critiques avec tout ce qui les entourent, notamment le monde incompréhensiblement bizarre des adultes. Enid Coleslaw et sa comparse Rebecca Doppelmeyer, deux jeunes américaines issues de la middleclass, et loin d'appartenir au petit monde factice des cheerleaders blondes en jupette sortant avec le beau capitaine de l'équipe de football, sont davantage portés sur la critique acerbe de leurs semblables qu'au shopping effréné entre copines tendance "Clueless" versus "Berverly Hills". Ça tombe bien puisque ici on est davantage proche de l'univers sarcastique et vitriolé de "Daria", dessin animé définitivement culte de MTV, que de séries futiles tendance "Beverly Hills" justement, puisque non content d'être sorti la même année, soit en 1997, on notera quelques troublantes similitudes, Enid et Daria se ressemblant comme deux sœurs (grandes lunettes, chevelure brune, cynisme à gogo, parents insignifiants, rock'n'roll attitude), le tandem inséparable Enid/Rebecca et Daria/Jane, le sarcasme et les répliques cinglantes, le ton délibérément anti conformiste suintant par tout les pores, la galerie de loosers et autres personnages emblématiques qui peuplent la BD et le DA. L'adolescence et ses affres, entre lucidité et désespoir, humour grinçant et comédie noire, dans une petite ville américaine somme toute banale. "Smell like teen spirit"... Ce qui résumerait assez bien le concept de Ghost World et de la jeunesse vu par Daniel Clowes.


























Vous l'aurez compris, nous avons affaire ici à l'un des must en matière de graphic novel, réalisé avec brio par un maitre du genre, avec ce sens inouï de la narration et du découpage comme les auteurs anglo-saxons en on le secret, agrémenté d'un graphisme moderne, dynamique et tellement original, caractéristique de Clowes, souvent imité mais jamais vraiment égalé, et c'est tant mieux! Une œuvre culte, pardon un chef d’œuvre, qui a même eu les honneurs d'une brillante adaptation au cinéma par le réalisateur non hollywoodien Terry Zwygoff  en 2001, avec Thora Birch et Scarlett Johansson respectivement dans les rôles de Enid et Rebecca. A lire d'urgence pour se délecter d'un bon plein d'humour ravageur et de mauvais esprit saupoudré d'un soupçon de punk rock.

** "Ghost World" texte et dessins de Daniel Clowes, édition originale Fantagraphics, édition française Vertige Graphic.

** N.B: L'édition française chez Vertige Graphic étant définitivement épuisée, il semblerait qu'une prochaine réédition se fasse chez l'éditeur Cornélius, qui détient les droits des œuvres de Daniel Clowes en France.


mardi 11 août 2015

Chauve(s): The bald & the beautiful story

"Darlin' don't you go and cut your hair
Do you think it's gonna make him change?
"I'm just a boy with a new haircut"
And that's a pretty nice haircut...
"


Pavement, cut your hair, 1994

Première chronique pas du tout tirée par les cheveux pour inaugurer en quelque sorte mon nouveau blog, après feu Madame Lilalivre qui je suis certaine vous avais enchanté avec ses tribulations livresques déjantées pendant près de 4 ans, tribulations qui n'ont pas totalement disparues puisque me voici de retour, toujours aussi apte à vous parler de ce que j'aime le plus, les livres et toute une certaine (pop) culture qui gravite autour, me revoici prête pour de nouvelles aventures livresques que je m'empresserais de partager avec vous chers lecteurs. Fin de la parenthèse pour rentrer directement dans le vif du sujet qui nous intéresse, à savoir une chronique échevelée (sans mauvais jeux de mots... ou pas!) sur un roman graphique sorti en mai dernier chez un éditeur que j'aime bien, La Boite à Bulles (avec des "B" majuscules, parce qu'il le vaut bien!).


































Une bande dessinée qui cause cancer et compagnie et l'on pense d'emblée à plein de choses pas forcément agréables, drôles ou glamour, forcément... et pourtant quoi de plus important et essentiel de pouvoir parler de TOUT librement sans honte ni tabou, préjugés malsains ou voyeurisme mortifère, que ce soit dans un roman, un essai et dans ce qui nous intéresse plus particulièrement aujourd'hui, à savoir un roman graphique? Pari réussi avec cet enthousiasmant "Chauve(s)" qui nous narre les tribulations quotidiennes d'une jeune femme doté d'un fort tempérament et... d'un cancer du sein, racontées en image par son amoureux transi, qui plutôt que de sombrer dans le désespoir et la tristesse, a choisi de mettre des mots et des images sur cette terrible aventure humaine et médicale. Et le résultat est vraiment fabuleux, tant par le dessin drôle, moderne et incisif regorgeant de petits détails savoureux, que par le scénario plein d'humour et vraiment touchant, qui nous invite illico dans la vie pleine de rebondissements des deux protagonistes, on s'attache à eux, à leurs doutes, leurs peurs face au crabe, implacable ennemi invisible mais aussi à leurs joies, espoirs et délires exutoires quotidien.





























Le genre d'ouvrage qui fait vraiment, mais vraiment plaisir, courageux et culotté jusqu'au bout de la plume pour aborder un sujet grave et important qui dérange encore et fais peur, trop rare hélas, car entre les bouquins "témoignages" hagiographiques genre "mon combat, mon cancer" promptes à faire pleurer dans les chaumières des larmes de crocodiles et les romans faisant la part belle au sordide et au misérabilisme déplacé, il n'y a pas toujours grand chose d'intelligent à se mettre sous la dent. Un très bel hymne à l'amour, celui d'un homme ordinaire qui offre un hommage graphique très touchant à sa dulcinée, un regard intelligent sur le droit à la différence. Un petit roman graphique drôle et agréable à lire, dans un format souple à l'italienne sympa comme tout à découvrir absolument, et qui malgré son thème vous fera rire et passer un excellent moment de lecture.

** "Chauve(s)" textes et dessins de Benoit Desprez, éditions la Boite à Bulles, lecture conseillée à partir de 13 ans.