jeudi 4 août 2016

White Trash, White Light/White Heat

"I'm gonna break out of the city
Leave the people here behind
Searching for adventure
It's the kind of life to find
Tired of doing day jobs
With no thanks for what I do... "

Do anything you wanna do, Eddie & the Hot Rods, 1977

L'été, et c'est bien connu, n'est pas vraiment la saison adéquate pour les sorties de nouveautés "hors format" transpirant d'originalité et de politiquement incorrect, ce serait même plutôt le contraire puisque il parait que la saison du soleil, des grandes chaleurs et des vacances serait synonyme de légèreté, d'évasion et de "lectures faciles", enfin c'est ce que pensent certains éditeurs depuis plusieurs années, considérant l'été comme une période creuse propice au fameux "temps de cerveau de disponible" digne d'une publicité Coca-Cola, avec mise en avant des incontournables "opération de l'été" dans les têtes de gondole, romans Pocket type Lévy/Musso/Bourdin, livres à petits prix et bandes dessinées à licence. Sauf que votre serviteur interzonienne Lula, en sa qualité de libraire qui n'aime pas lire comme tout le monde, cherche, farfouille sans cesse et aime dénicher LE bouquin hors norme, l'ovni qui passe souvent inaperçu, planqué entre deux tranches de Largo Winch et autre produit ultra marketé du même acabit, sans vouloir offenser MM Van Hamme et Francq bien sur. Et aujourd'hui je vais vous parler d'un comics rock'n'roll à souhait et bien ravagé du bulbe, édité par le courageux éditeur Ankama, qui sous son label mythique "619" regroupe déjà un paquet d'excellents titres comme "The Grocery", "Tank Girl", "Mutafukaz" ou "Doggybags". Bienvenus dans cette "anti lecture de l'été", sur la route trash et choc ou Marc Lévy et ses petits copains seraient abandonnés sans scrupules sur le bas côté!


































White Trash... Comme une légère intuition que le titre annonce déjà la couleur d'un comics lui même super haut en couleurs, œuvre d'un dessinateur de talent et touche à tout, le regretté Martin Emond, artiste garantie maximum rock'n'roll déjanté et franc tireur qui ne faisait pas vraiment dans la dentelle, mais ça on s'en fiche complètement puisque la bienséance et le politiquement correct ne sont pas vraiment les mamelles de La Mauvaise Influence, et quoi de plus ennuyeux de toute façon que les jolies petites histoires proprettes et soit disant poétiques, j'estime que la poésie est partout, même dans le trash et le chaos, même la ou on ne l'attends pas. Alors que peut bien raconter cette drôle d’œuvre dont le titre évoque des personnages qui seraient issus de l'Amérique profonde, tous ces outsiders déglingués mis au ban de la société bien pensante, accros à l'alcool, au tabac, voir même à la drogue? Il s'agit des tribulations ultra déjantées de deux compères tout aussi déjantés et même plus, un certain King chanteur en costume lamé de son état, déclaré mort depuis des années et revenu comme par miracle de l'enfer après un pacte passé avec le Diable, croisant un certain Dean, rocker surfer en bandana accros au gros riffs de guitare et à la bouteille. Le tandem excentrique et très bien assorti niveau réparties cinglantes et trash attitude va alors se lancer dans un road trip complètement fou à bord de la Cadillac rose du chanteur damné, un voyage à travers l'Amérique qui va prendre des allures de remake sous acide du "Sur la route" de Jack Kerouac version postmoderne et qui aurait pour bande son MC5, ZZ Top, les Stooges et Eddie & The Hot Rods.































Pour résumer les grandes lignes de cet ovni tombé de (presque) nul part, je dirais juste "sex, drug and rock'n'roll". Et ce serait faux, puisque un poil trop réducteur, même si le rock est bien la, disséminé ça et la, aussi bien par exemple dans le design des personnages avec Dean le rocker dégingandé qui ressemble comme deux gouttes d'eau au sieur James Osterberg alias Iggy Pop et bien sur le King, parodie évidente d'un certain Elvis. Non, définitivement "White Trash" est bien plus que ce dicton cliché un peu trop entendu, c'est un univers fou, dément, unique, drôle et barré, aussi voluptueux que de mettre deux doigts dans la prise de courant ou de se prendre en pleine face des riffs de guitare saturées lors d'un concert de punk rock endiablé. C'est aussi le manifeste d'un artiste passionné de culture alternative (tatouage, univers heavy metal entre autre) tragiquement disparu en 2004, qui était indissociable de son œuvre, faisant totalement corps avec elle, ressemblant par certains côtés aux personnages atypiques qu'il a créée, un monde très original et plein d'humour noir, qui il faut bien l'admettre, ne plaira pas à tout le monde de par son sujet et son style graphique. J'ai été personnellement enchantée par ce comics hors norme scénarisé avec talent par Gordon Rennie, le genre de bonne surprise un peu trop rare à mon gout en France, mais grâce à des labels avant gardistes qui osent prendre des risques comme 619 en sortant de pareils bouquins, je me dis que l'espoir est permis.

** "White Trash" scénario de Gordon Rennie et dessins de Martin Emond, éditions Ankama, collection Label 619. Lecture conseillée à partir de 15 ans. **






















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