mercredi 29 juin 2016

Lady killer, ma tueuse bien aimée

" Cos When I'm Talking Talking Personality Personality
And You're A Prima Ballerina On A Spring Afternoon
Change On Into The Wolfman Howling At The Moon Awoooh
Got A Personality Crisis Ya Got It While It Was Hot
So Hard Y'know Frustration And Heartache Is What You Got
Talking 'Bout Personality..."

New York Dolls, Personality Crisis, 1973

Ce que j'aime par dessus tout, dans la vie (réelle et fictionnelle) et sur mon blog ce sont les personnalités borderline, marginales, insaisissables, nageant totalement à contre courant des normes, se fichant du qu'en-dira-t-on édicté par les chantres du politiquement correct et du soit disant bon gout, j'adore les personnages originaux, qu'ils soient réels ou fictionnels, ceux qui évoluent dans des sphères libres ou l'indépendance, l'originalité, la créativité débridée et la franchise ne sont pas que de vains mots ou des concepts sans relief, avec un faible pour les guerilla girls, celles qui fracassent tout sur leur passage, tel Attila le Hun en Doc Martens et robe babydoll à la Courtney Love, que ce soit les clichés liés à leur condition de femme façon "sois belle, tais toi et fais moi un sandwich femme!" et les rôles ultra bien définis de type second couteau/jolie potiche/belle plante/maman attentionnée/teenage décérébrée/trentenaire désespérante et désespérée. Et pour démarrer en beauté les hostilités et inaugurer de surcroit une nouvelle rubrique consacrée à la gente féminine (et non pas à "lafâme", attention puisque ici il ne sera JAMAIS question de culture girly bien genré, celle popularisée entre autre par les magazines féminins et Margaux Motin, mais je reviendrais la dessus dans une chronique ultérieure), laissez moi vous présenter aujourd'hui l'une de ce femmes fracassantes, une certaine "Lady Killer" qui n'a pas vraiment froid aux yeux, née de l'imagination de deux auteurs superbement inspirés et bien barrés aussi, Joëlle Jones (dessin) et Jamie S.Rich (scénario).


































Mais qui est donc Lady Killer? Une femme très wasp des 50' en apparence bien sous tout rapport, sorte de croisement entre Peg "Ambassadrice Avon" Bogg du film "Edward aux mains d'argent" pour le job et Jackie Kennedy-Onassis pour le look étrangement similaire. Voila pour les apparences, qui comme le dit si bien le proverbe peuvent être trompeuses, puisque notre héroïne, répondant au délicieux nom de Josie Schuller n'est pas vraiment celle que l'on croit, exhalant une troublante ambivalence et une personnalité bien complexe. Mère de famille attentionnée et épouse exemplaire le jour, il s'avère qu'elle est aussi une redoutable tueuse à gage, méthodique et impitoyable, zigouillant toutes celles et ceux qui se mettent en travers de son chemin avec un flegme et une froideur stupéfiante. Une double vie totalement assumée et une personnalité multiple flirtant avec la schizophrénie mais bien définie, Josie n'apparaissant pas vraiment comme une femme folle et dérangée avec l'écume aux lèvres et le couteau entre les dents, juste bonne à enfermer dans l'asile psychiatrique le plus proche avec traitement aux électrochocs et camisole de force, c'est tout le contraire même, et c'est ce qui fait sa force et son atout principal, jouer à fond sur les apparences trompeuses et toujours rester maîtresse d'elle même en mode control freak. Une double existence pleine de tribulations mouvementées pour notre héroïne au visage d'ange et aux pimpants tailleurs 50' toujours impeccables, assassinant sans remord et avec la même légèreté que si elle préparait une tarte aux pommes pour le gouter de ses enfants, un paradoxe trash et charmant que cette Josie alias la femme aux deux visages, insaisissable, mystérieuse, belle, déterminée et ultra intelligente, les qualificatifs ne peuvent que fleurir pour décrire un tel personnage atypique à souhait, en décalage avec l'état d'esprit politiquement correct de l'Amérique des 50', conservatrice et très à cheval sur la répartition des rôles homme/femme ou chacun doit rester à sa place, les hommes se devant d'être virils en maniant armes à feux et autorité patriarcale, et les femmes douces et compatissantes responsables d'un foyer parfait ou règnent l'ordre et la propreté.






























En résumé, nous avons affaire à un comics inclassable et atypique, avec une héroïne tout aussi inclassable et atypique, ce qui est franchement fort séduisant et apporte une indéniable touche de fraicheur dans un univers graphique ou les femmes n'ont pas toujours les meilleurs rôles, même si les mentalités un brin machiste de la BD tendent à évoluer vers de meilleurs sentiments. Les deux auteurs offrent ici un bel écrin à la hauteur de ce personnage original qui est bien loin de ressembler à une desperate housewife ou alors version LSD et carnages sanglants, le genre que l'on aimerait voir plus souvent dans des fictions toutes catégories confondues. Un univers de folie et de violence qui peut faire froid dans le dos, mais pas forcément celui des meurtres sanglants commis par Josie, car sa petite vie banale d'épouse parfaite tendance Samantha Stephens dans "ma sorcière bien aimée" est bien plus flippante au demeurant. Doté d'un scénario passionnant et d'un graphisme de style vintage, ce "Lady killer" tome 1 est une franche réussite, et la suite est attendue avec une impatience non dissimulée. Sympathy for lady vengeance!

** "Lady Killer" dessins de Joëlle Jones et scénario de Jamie S.Rich, éditions Glénat Comics. Public adulte, à partir de 16 ans.


mercredi 22 juin 2016

Psychonautes, all the kids wanna sniff some glue...!

"In a churchyard by a river
Lazing in the haze of midday
Laughing in the grasses
And the graves
Yellow bird, you are not long
In singing and in flying on
In laughing and in leaving..."

Cirrus Minor, Pink Floyd, 1969

Un bel OVNI (Ouvrage Volubile Non Identifié) qui fait aujourd'hui son entrée en fanfare, enfin plutôt sur fond de "More", bande originale composée par les Pink Floyd en 1969 pour le film culte éponyme de Barbet Schroeder, so trippy et un brin dark narrant la fin du rêve hippie et l'addiction absolue aux paradis artificiels du genre durs et poudrés. Drôle d'introduction en vérité pour parler d'un roman graphique et non pas d'un groupe mythique des 60' et 70', mais je dois bien avouer que l'écoute du (très) bouleversant "Cirrus Minor" m'a un peu (beaucoup) inspiré pour cette chronique au ton doux amer et résolument psychédélique, tout comme les paroles de cette chanson en apparence gaie, lumineuse et bucolique mais qui reflète en réalité un certain mal de vivre, une mélancolie palpable et une envie de s'évader, un voyage lointain dans un monde fantastique et coloré,"anywhere out of the world" comme l'a si joliment écrit Charles Baudelaire alias monsieur Spleen. Le bien nommé "Psychonautes" est un peu la synthèse graphique de tout cet esprit la, oscillant entre douceur et désespoir, joliesse et noirceur, mignonnerie et "trash attitude", un vrai paradoxe que je vais m'empresser de (psych)analyser pour vous chers lecteurs. Bienvenus au royaume des "navigateurs de l'âme" et allons voguer avec eux.


































Bienvenus dans un monde à la fois mignon et totalement désenchanté, une île étrange peuplés de petits personnages présentant l'aspect de gentilles peluches rassurantes, mais l'habit ne faisant pas le moine comme chacun le sait, les dites "gentilles peluches" s'avèrent être des créatures sombres et torturés, totalement connectées sur le mode borderline et dépressif, accros aux idées noires et aux substances psychotropes, façon Hunter S Thompson perdu dans Las Vegas Parano qui serait tout d'un coup peuplé de petites souris, oiseaux, chiens, ours et éléphants. Au milieu de cette cour des miracles tendance "Factory" improbable, survit un étrange loustic, le bien nommé Birdboy, petit oisillon de son état, et qui désespère d'arriver un jour à voler, multipliant les tentatives sans résultat, ce qui l'enfonce chaque jour un peu plus dans la dépression et la consommation massive de psychotropes. Son amie Dinky, jeune souris frêle et désespérée, semble être aussi au bout du rouleau, elle ne supporte plus sa vie morose et sans grand intérêt, et dévastée par la mort de son père, elle refuse de se lever le matin pour aller à l'école et ne rêve que d'ailleurs, fuir vite et loin, "anywhere out of the world" sonnant comme un leitmotiv évident dans son esprit tourmenté. Nos deux héros, totalement lucides et conscient du désastre de leurs vies respectives projettent donc de partir, avec l'espoir vain d'atteindre un monde meilleur, ou l'échec, la souffrance morale et la solitude ne seront plus que de lointains et mauvais souvenirs.
































Dessiné et mis en scène par Alberto Vasquez, un artiste espagnol né en 1980 à la Corogne et connu dans son pays pour ses travaux d'illustrations au style décalé, que ce soit pour la presse ou la bande dessinée, cet étrange et très poétique "Psychonautes" est sa première bande dessinée traduite et éditée en France, révélant tout la quintessence d'un artiste inspiré et original, engagé et franc-tireur aussi puisque ce roman graphique agit comme une sorte de poil à gratter en dénonçant ça et la quelques problèmes majeurs en phase avec notre époque, comme les catastrophes écologiques (l'île ou vivent nos héros n'a rien de paradisiaque, bien au contraire), le chômage, le rejet des outsiders, la solitude, l'abus de paradis artificiels pour fuir la réalité insupportable, comme jadis une certaine Christiane F et les enfants de Bahnhof Zoo à Berlin, accros à l'héroïne pour tenter de zapper une existence synonyme de long cauchemar éveillé, vouée à l'échec et au chaos. Un roman graphique plutôt sombre donc, sorte de croisement entre Tim Burton et Salad Fingers personnage creepy à souhait, mais qui n'est pas dénué d'un certain humour (noir) plutôt délectable, une farce pessimiste, une tragicomédie humaine qui aurait pu être écrite par Edgar Allan Poe himself, bourrée de références philosophiques sur la vie, la mort, l’espérance, le spleen et l'envie de partir ailleurs pour mieux se reconstruire, et qui dit en substance et sans clichés bas de gamme que la lumière se trouve forcément au bout du tunnel, et que même dans le marasme le plus total l'espoir peut s'épanouir telle une fleur au milieu des décombres.

** "Psychonautes" dessins et scénario de Alberto Vasquez, éditions Rackham. Lecture conseillée à partir de 16 ans.**

lundi 20 juin 2016

Sweet Tooth, dans la ligne de (Le)mire

"Protect me from ravagement
I'm ten years old
I don't know what to do
Protect me myself
I'm fourteen
There's nothing to do
Protect me yourself..."

Protect me you, Sonic Youth, 1983.

J'ai comme une envie irrépressible de gourmandise aujourd'hui, une gourmandise faite de papier, de bulles et de dessins délectables, œuvre d'un auteur dont je suis particulièrement friande, ça tombe très bien en fait! Un auteur qui, à l'instar des plus grands chefs cuisiniers aime bien mitonner des bons petits scénarios agrémentés de dessins originaux et très expressifs, j'ai nommé Gordon Ramsay, euh non pardon Jeff Lemire, artiste canadien déjanté qui cumule avec talent les casquettes de dessinateur et scénariste. J'ai beaucoup d'admiration pour cet artiste né en 1976 et plusieurs fois primé à l'étranger, récompensant un travail remarquablement prolifique et original, mais encore peu reconnu chez nous ce qui est fort regrettable, et dont l'essentiel de l’œuvre est publié chez Urban Comics dans les collections "Indies" et "Vertigo", se payant même le luxe de signer un ou deux petits Batman (Batman Saga et Futures End), c'est dire tout le talent du bonhomme! C'est donc avec un immense plaisir que je vais partager cette délicieuse friandise avec vous chers lecteurs, et ce sera le bien nommé "Sweet Tooth" que l'on va se mettre sous la dent, sans mauvais jeu de mots.


































"Sweet tooth", jolie expression pour désigner un grand amateur de sucreries, que l'on pourrait traduire par "bec sucré"... Mais qui est donc ce dit "bec sucré" du titre que l'on peut même apercevoir sur la couverture, étrange créature hybride mi humain mi cerf dévorant une barre de chocolat? Gus est un jeune garçon qui est justement une créature hybride, le héros improbable de cette histoire toute aussi improbable, qui se déroule dans une sorte de futur proche aux relents post apocalyptiques ou un étrange virus a décimé une bonne partie de la population terrestre, créant une pandémie absolument catastrophique sans précédent. 10 ans plus tard, une nouvelle espèce apparue, mi humaine et mi animale, une espèce hybride dont Gus semble issu avec ses grandes cornes de jeune cerf. Vivant totalement isolé, à l'écart du monde avec pour seul compagnie son père, un homme plutôt stricte et mystique, qui lui inculque essentiellement des préceptes religieux rigoristes et une vision de la vie plutôt morose. Une existence très austère pour le petit garçon qui voit un jour sa vie basculer quand son père meurt, le laissant seul, livré à lui même. Il va faire la connaissance de Jeppard, un homme plutôt rustre et taciturne, qui va le protéger d'attaques de chasseurs et le prendre sous son aile, jouant en quelque sorte les pères de substitution pour le jeune Gus. Attendri par sa candeur et sa naïveté, il lui offre un jour du chocolat, friandise ultime synonyme de péché de gourmandise jadis interdite par son père, ce qui ravit Gus, développant son gout pour les sucreries et obtenant de surcroit le surnom de "Sweet Tooth" de la part de Jeppard. Sillonnant les routes parsemées de danger, le tandem improbable va vivre d'incroyables tribulations dans un monde ravagé par le chaos et portant encore les stigmates de la pandémie passée.





























J'ai été vraiment émue par les personnages de ce graphic novel original et excentrique, particulièrement par Gus l'enfant cerf, qui est la candeur et l'innocence incarnée, une douce lumière dans un monde rongé par le chaos et le désespoir, formant un contraste très net avec les autres humains survivants qui l'entourent, violents, rustres et brutaux qui ne pensent qu'a tuer et détruire. Jeppard, son improbable ange gardien compose un personnage très intéressant avec ce mystère indicible qui semble l'entourer et ce paradoxe concernant sa personnalité de dur-à-cuir un brin brutal possédant un vrai cœur d’artichaut capable de s'attendrir sur les malheurs de Gus. Un excellent scénario dense et passionnant, ou l'on décèle même un certain humour et un sens de la fantaisie débridée malgré la noirceur évidente de l'histoire, que ce soit dans les dialogues ou les diverses tribulations des personnages, qui de plus est accompagné de dessins très stylés et originaux, mettant bien en valeur les expressions des divers protagonistes. Jeff Lemire est un authentique artiste de talent, possédant un style bien à lui et une patte graphique reconnaissable entre mille, ce qui est le signe des plus grands, créant des histoires avec ce je ne sais quoi de fantaisie excentrique, ou l'humour, l'intelligence et l'émotion se rejoignent pour former une sarabande chatoyante et bigarrée. A déguster sans modération comme une excellente barre de chocolat en ayant une pensée émue pour Gus l'enfant cerf.

** "Sweet Tooth" dessins et scénario de Jeff Lemire, éditions Urban Comics, collection Vertigo.**

jeudi 16 juin 2016

Psycho-Pass, ou les âmes perdues dans la jungle urbaine

"I'm a teenage schizoid, the one your parent despise
Psycho therapy, now I got glowing eyes
I'm a teenage schizoid, pranks and muggings are fun
Psycho therapy, gonna kill someone
Psycho therapy, psycho therapy..." 

The Ramones, Psycho Therapy, 1983

Grande nouveauté du jour et du blog puisque, attention, roulements de tambour, j'inaugure une nouvelle rubrique consacrée aux manga, une rubrique indispensable que j'ai eu jusqu'ici l'outrecuidance de passer à la trappe, ce qui à mon sens constitue une faute impardonnable, faute aujourd'hui réparée puisque je me suis empressée de rédiger une première chronique, une première qui ne sera certainement pas la dernière soit dit en passant, sur un manga très récemment sorti, le genre d’œuvre qui a tout fait sa place ici puisque hautement concentré en SF et diverses influences littéraires de haute volée que j'affectionne particulièrement, mais ceci vous devez commencer à le savoir :) Alors de quoi s'agit il pour cette première incursion dans la "maison du soleil levant"? Et pour ceux et celles qui l'aurait remarqué, j'ai bien emprunté ce titre charmant au tout aussi charmant groupe culte des 60' The Animals, "The house of the rising sun" une superbe ballade rock classieuse aux relents de nostalgie qui convenait à merveille avec le ton de La Mauvaise Influence, ainsi que le jeu de mots/petit clin d’œil au pays du Soleil Levant d’où sont issus la plupart des manga que j'aime lire et découvrir.


































Avant tout chose il faut que vous sachiez chères lectrices et chers lecteurs, que ce fameux "Psycho-Pass" est une sorte de cathédrale, un monstre sacré de l'animation japonaise, une énorme claque reçue en pleine face dès le visionnage du 1er épisode, moi qui ne suit pas vraiment une admiratrice forcenée des anime, préférant et de loin les versions "papier". "Mais de quoi parle t'elle?" doivent se demander certains, alors il n'est plus question de causerie manga donc? Et bien en fait il s'avère que le manga dont je parle est issu de la dite série éponyme "Psycho-Pass" sortie sur les écrans nippons entre 2012 et 2014 (et un plus tard chez nous, mais ça c'est normal!), il s'agit d'une adaptation d'un anime, et non l'inverse comme c'est très souvent le cas pour la majorité des manga à succès. Mais en fait ça cause de quoi tout cela? Pour répondre à cette grande et épineuse question, il s'agit d'un seinen (manga destiné aux plus grands) très orienté SF, puisque se déroulant au Japon dans un futur plus ou moins proche, plus exactement au XXIIème siècle, une époque plutôt sombre et morose, puisque régie par des lois étranges et limites liberticides, ou le gouvernement sous couvert d'offrir à ses citoyens une qualité de vie synonyme de sécurité et de bonheur, a mis en place un système impitoyable baptisé "Sibyl" capable de contrôler l'état émotionnel et psychologique des gens au moyen d'un processus de "teinte" qui détermine leur nature et leur dangerosité potentiel, plus leur teinte étant sombre et plus leur psychisme est atteint, pouvant les transformer en criminel notoire. Un système montrant aussi ses limites puisque sont exclus tout ceux et celles qui ne veulent pas se conformer à un système de pensée unique, qui pensent par eux mêmes en se rebellant et n'acceptent pas les règles du jeu, devenant ainsi les marginaux que la bonne société veut expulser et combattre à tout prix. Une unité de police spéciale lutte jour et nuit contre le crime, doté d'une super technologie et d'une armée d'inspecteurs et d'exécuteurs... qui s'avèrent être d'anciens criminels dormants possédant un passé trouble et une teinte du même acabit, engagés par le gouvernement qui leur donne une chance de se réinsérer plutôt que de moisir dans des prisons asiles ou l'on "soigne" tout les récalcitrants à la teinte sombre, futurs psychopathes en devenir. Sauf que les psychopathes ne sont pas forcément ceux que l'on croit...


























Adapté de la passionnante série "Psycho-Pass", ce manga en est le préquel, puisque se déroulant quelques temps avant l'arrivée du personnage principal, l'inspecteur Akane Tsunemori, qui elle aussi a eu droit à sa propre série de manga encore inédite en France. Le personnage central est ici un inspecteur plutôt flegmatique et beau gosse du nom de Shinya Kôgami, flanqué d'une équipe d'exécuteurs enquêtant sur diverses affaires criminelles plutôt éprouvantes, et il est intéressant de le voir évoluer dans cet excellent manga bien dessiné et au scénario palpitant AVANT qu'il ne bascule du côté obscur de la force, mais je vais m'arrêter la de peur de trop "spoiler" en dévoilant certains aspects de l'intrigue d'une œuvre démente que je vous invite vivement à visionner, si ce n'est déjà fait. En résumé il s'agit d'un très bon seinen particulièrement intelligent et audacieux, puisque posant certaines questions essentielles sur le sens de la vie et la notion de liberté remise en question au nom d'un certain idéal collectif imposé, totalement dans l'air du temps avec ce que nous vivons nous mêmes actuellement au XXIème siècle. Beau et glaçant mais totalement indispensable.

** "Psycho-Pass, Inspecteur Shinya Kôgami" dessins de Natsuo Sai et scénario de Midori GoTou d'après la série "Psycho-Pass", éditions Kana, collection Dark Kana. Lecture conseillée à partir de 13 ans. **

jeudi 9 juin 2016

H.P Lovecraft, Cthulhu et la saison des sorcières!

"When I look out my window
What do you think I see?
And when I look in my window
So many different people to be
It's strange, sure it's strange..."

Donovan/Hole, Season of the witch
 
Cela fait un bail que je n'ai rien posté sur mon petit blog, et pourtant ce n'est pas faute d'inspiration mais de temps, la librairie étant parfois (souvent?) une maitresse exigeante, je m'empresse aujourd'hui de réparer cette inqualifiable erreur en écrivant une nouvelle chronique pour fêter dignement mes retrouvailles avec ma très chère Mauvaise Influence, cette grande amie précieuse et sincère qui m'a toujours guidé dans mes choix les plus fous et audacieux en matière de livres, d'Art ou de musique, m'ouvrant des perspectives intéressantes en me permettant de nager à contre courant avec bonheur et d'apprécier tout ce qui peut rebuter la majorité bien pensante. Écrire rimant avec plaisir, surtout quand il s'agit de parler de ce qui nous fait vibrer passionnément ou de défendre bec et ongles tel ou tel œuvre, je ne pouvais davantage rester plus longtemps tapie dans un recoin sombre de l'Interzone sans parler de ce qui me tient à cœur, surtout au vu des dernières sorties plutôt "canon" et de haute volée au rayon romans graphiques, c'est pourquoi j'ai l'immense joie de vous parler d'une adaptation de Lovecraft intitulée " Les rêves dans la maison de la sorcière", éditée par l'excellente maison d'édition Rue de Sèvres, c'est donc la seconde fois ici que je met à l'honneur cet écrivain talentueux et génialement dérangé, créateur grandiose du mythe de Cthulhu et d'un univers unique souvent imité mais JAMAIS égalé.



































Encore une nouvelle adaptation de Lovecraft me direz vous... Il est vrai que le bonhomme est fortement inspirant, auteur culte et doté d'une aura unique, véritable icône pour tout les vrais amateurs de littérature fantastique, mais d'un autre côté il n'existe pas tant d'adaptations que ça de son œuvre en matière de BD/graphic novel comparé à d'autres auteurs, ce qui peut paraitre étonnant, voir aberrant au vu de son statut d'écrivain iconique. L'année dernière j'avais fait une chronique sur "La quête onirique de Kadath l'inconnue" édité par Akileos et qui était une franche réussite, qu'en est il de cette "maison de la sorcière"? Plongée en apnée dans ce roman graphique en grand format, dont la très belle couverture nous laisse présager le meilleur, pour y découvrir un univers sombre et horrifique cher à l'auteur, une sorte de grand cauchemar éveillé et répétitif que vit Walter Gilman, un brillant étudiant en mathématiques et physique quantique, logeant dans une étrange bicoque pauvre et délabrée, ayant jadis logé Keziah, une vieille sorcière rescapée de la prison de Salem, ville qui fut le théâtre de persécutions atroces contre les dites prétendues créatures maléfiques. Les nuits du jeune homme ne sont plus qu'une successions de songes affreux et réalistes ou il voit la fameuse Keziah et son acolyte Brown Jenkin, un personnage anthropomorphe mi rat et mi humain comploter et voler ses connaissances de scientifique doué afin de s'en servir dans différentes dimensions et voyager à travers le temps et l'espace. Entre rêve et réalité, folie et rationalité, songe et mensonge, quelle est la part de vérité pour notre étudiant perturbé et persuadé d'avoir perdu la raison au profit de personnages étranges et un brin démoniaques vouant des cultes à des divinités tout aussi étranges et démoniaques?




























Fin du voyage et conclusion de cette chronique en vous livrant mon feeling sur ce roman graphique au style élégant, en un mot FABULEUX! Tout d'abord les dessins de Patrick Pion sont particulièrement beaux et expressifs, alternant couleurs et pages crayonnées en noir et blanc, collant parfaitement au style sombre et torturé de Lovecraft, le scénario élaboré par le prolifique Mathieu Sapin est plutôt fidèle à l'original tout en y apportant une touche d'inédit, ce qui donne un cocktail détonnant et plein de charme vénéneux, envoutant tout ceux et celles qui le liront, et j'espère qu'ils/elles seront nombreux car ce serait vraiment dommage de passer à côté d'un tel bijou, que l'on soit fan ou non de monsieur Lovecraft, d'autant plus qu'en son temps cette nouvelle fut fortement décriée par la critique et boudée par bon nombre de lecteurs qui n'y voyaient à tort qu'une œuvre mineure et dépourvue d’intérêt, il était temps de réhabiliter cette sublime "maison de la sorcière" en se jetant sur la nouvelle et cette adaptation brillante.

* "Les rêves dans la maison de la sorcière" d'après la nouvelle de H.P Lovecraft "la maison de la sorcière" ("The dreams in the witch-house") dessins de Patrick Pion et scénario de Mathieu Sapin, éditions Rue de Sèvres.