dimanche 28 novembre 2021

Industrial Music, l’obscénité et la fureur selon Genesis P-Orridge

It’s impossible to advise anybody
Be courageous, take it easy, just show trust
Be reasonnable, be an old ghost weeping
You didn’t see me weeping on the floor 
You didn’t see me weeping on the floor

Throbbing Gristle, « Weeping » 1978


Une petite chronique musicale aujourd’hui dans cette modeste tribune qui est la mienne, délaissant très momentanément la littérature pour me plonger corps et âme dans un océan sonore mystérieux et envoûtant, hermétique et froid à première vue, ou plutôt à première écoute, pas facile d’accès, le genre «d’anti pop » total et à contre courant des valeurs musicales affectionnées par le grand public. Drôle de façon pour introduire un ouvrage me direz vous, étrange manière de vanter les mérites et de chanter les louanges d’un livre dont je vais vous parler aujourd’hui et que je n’ai même pas encore présenté! Un livre mystérieux et envoûtant, hermétique et froid à première vue, pas facile d’accès et plutôt volumineux,  à l’image du style musical que j’ai plus ou moins évoqué en début de chapitre, un style musical, ou plutôt un courant appelé musique industrielle. N’étant pas du tout critique musical mais simple admiratrice et esthète éclairée, il ne s’agira donc pas d’une analyse pure et dure ou d’un historique de la musique contemporaine d’Avant Garde à travers les âges, tout ceci n’étant pas dans mes cordes ou mes préoccupations, ce sera davantage une présentation de ce courant artistique que j’affectionne particulièrement et une sorte d’hommage personnel à l’une des artistes les plus fascinantes,  atypiques et magiques qui soit, un personnage protéiforme, une icône provocatrice aux mille visages ayant vécu plusieurs vies artistiques intenses et dont la vie réelle a malheureusement pris fin en ce funeste 14 mars 2020, j’ai nommée Genesis P-Orridge. Sachant qu’il y a très peu d’ouvrages, notamment dans la langue de Molière, qui parle de musique industrielle ou de groupes « obscures » tels que Throbbing Gristle, Coil ou Psychic TV, rendons grâce à Éric Duboys, auteur de ce fascinant (et volumineux!) « Industrial Music for Industrial People » et plongeons nous à corps perdu dans ce vaste océan sonore, cette symphonie dissonante et superbement chaotique. 




















































Industrial music. Musique industrielle. Que désigne donc ce terme un brin froid, glaçant et déshumanisé? Un courant musical complètement en phase avec son époque justement, froide, glaçante et déshumanisée, à mi chemin entre le punk et le post punk, comme une réponse sarcastique et vitriolée à la fin du rêve hippie, éternellement perdu dans les limbes new âge de l’ère du Verseau et d’un hypothétique monde idéal qui n’a jamais montré le bout de son nez. Comme un doigt d’honneur plein de rage et de volonté de montrer ce qu’il y a de plus sale, sombre et dépravé dans la psyché humaine, la velléité de provoquer des remous intenses, de cracher tout son ressentiment, son infinie tristesse teintée de colère et sa profonde déception en jouant les jusqu’au-boutistes de l’Art, explorant sans cesse et défrichant des terrains sonores jusque là inconnus. Throbbing Gristle est de ceux là. Genesis P-Orridge, Cosey Fanni Tutti, Chris Carter et Peter Christopherson, 4 musiciens, 4 artistes inclassables et iconoclastes à souhait ont à jamais changé la face du monde musicale en ce milieu et presque fin des années 70. Une apparition divine et salvatrice de ce groupe de jeunes têtes brûlées talentueux et ultra créatifs made in England et ayant une vision radicalement différente de ce que devrait être la musique contemporaine, complètement à contre courant de la pop music commerciale et autres exhibitions de super groupes en vogue, déconstruisant de façon étonnante et radicale les sonorités habituelles pour en faire une cacophonie sublime, une symphonie dissonante et encore jamais entendue, souvent répétitive et toujours bien bruitiste à souhait, accompagné de performances du même tonneau, brutales, violentes et sans concessions. Une sorte de théâtre de la cruauté cher à Antonin Arnaud version post moderne et musicale, ou les influences littéraires ne sont pas en restes, puisque l’esprit de William S. Burroughs règne en permanence sur l’Art magnifiquement chaotique de Throbbing Gristle. Un univers aux multiples influences artistiques, littéraires et musicales qui lui aussi inspirera plus tard d’autres artistes, littéraires et musicaux. Une sorte de chant de Maldoror encore plus violent et radical que l’original avec un Lautréamont version pandrogyne à sa tête, une artiste caméléon qui se fait appeler sous l’énigmatique nom de Genesis P-Orridge, une femme née homme mais une femme qui repousse sans cesse les limites de ce que doit être la bienséance et la soit disant normalité de l’être, une femme libre et qui n’a jamais eu peur d’être elle même, un free spirit qui semble être l’allégorie de la création ultime, l’essence même de l’Avant Garde et de l’Art avec un grand A.


















































J’ai été plus que séduite et enchantée par cet ouvrage très complet et extrêmement bien documenté sur un courant musical et artistique qui personnellement me passionne énormément et dont on parle peu, alors que paradoxalement le nombre de livres sur la musique en général ne cesse de croître ces derniers temps sur les étals des librairies! Mais il faut bien reconnaître que Genesis P-Orridge sera toujours moins vendeur qu’un Mick Jagger, David Bowie ou Amy Winehouse, dont les « livres révélations » et autres « biographies hagiographiques inédites » sont sans arrêt publiées par les mêmes maisons d’éditions plus intéressées par le profit et l’argent facile que la prise de risques et l’amour de l’Art! Rendons grâce donc à Camion Blanc, courageuse maison d’édition franc tireuse qui depuis 1992, soit presque 30 ans maintenant, nous enchante avec ses publications qui ont le mérite de sortir des sentiers battus et de proposer autre chose que des livres prémâchées sur tout ces artistes établis, certes talentueux, mais dont l’omniprésence donne un peu la nausée à force et l’envie d’explorer d’autres horizons musicaux. Un grand merci à l’auteur de cet incroyable pavé si riche et tellement agréable à lire, le talentueux Éric Duboys que j’ai découvert à la lecture de ce livre, un grand merci et une reconnaissance éternelle pour avoir écrit un tel ouvrage, sûrement le seul existant en français sur Throbbing Gristle et la musique industrielle, j’ai été enchantée de tomber là dessus un jour complètement par hasard, lors de mes habituelles déambulations en librairie et espace vinyles. A découvrir absolument si vous êtes comme moi, un passionné du genre, un must absolu pour tout les amoureux de l’Avant Garde, de la culture alternative et/ou de musiques expérimentales. 

******** « Industrial Music for Industrial People » par Éric Duboys, édition Camion Blanc *********

N.B: Éric Duboys est également l’auteur du roman « Les terminaisons nerveuses »  édité par La Clé à Molette ainsi que de 2 autres ouvrages sur la musique industrielle publiés par Camion Blanc. 

















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