vendredi 28 août 2015

ghost world, triste monde tragique

"Look right through me
Say I'm gloomy
Well so sue me
Excuse me, excuse me..."

Splendora, You're standing on my neck, 1997

Parler d'un must absolu en matière de bouquin, le genre de ceux que l'on aime par dessus tout, qui nous fait tomber en pâmoison totale, nous rends fou/folle d'amour en nous embarquant aux portes de l'hystérie et de l'apoplexie foudroyante réunis n'est pas forcément chose aisée tant l'objectivité en prends un coups, mais après tout qu'importe, puisque le but de ce blog n'étant pas d'être objectif, mais admiratif de toutes ces belles choses produites par certains artistes de grand talent, icônes absolues et vénérées de mon Interzone personnel, et pour qui le red carpet est déroulé non stop. Daniel Clowes fait justement parti de cette catégorie précise, celle des artistes iconiques vénérés et absolus, et même si j'en suis persuadée la majorité d'entre vous connaissent déjà l'illustre créateur de David Boring, il me semblait indispensable d'écrire une chronique sur ce cher monsieur aux doigts d'or et à la verve bien pendue. Bienvenus dans un monde fantôme drôle et fascinant.
























Ghost World, monde fantôme... initialement pré-publié entre 1993 et 1997 sous forme de feuilleton dans le cultissime "Eightball", magazine crée par Daniel Clowes en 1989 et édité par Fantagraphics, grand éditeur américain spécialisé dans l'underground artistique et littéraire (Joe Sacco, Charles Burns, Chris Ware, Camille Rose Garcia, ect.., que du très beau linge en somme!), ce roman graphique nous narre le quotidien de deux adolescentes particulièrement cyniques et intelligentes, très critiques avec tout ce qui les entourent, notamment le monde incompréhensiblement bizarre des adultes. Enid Coleslaw et sa comparse Rebecca Doppelmeyer, deux jeunes américaines issues de la middleclass, et loin d'appartenir au petit monde factice des cheerleaders blondes en jupette sortant avec le beau capitaine de l'équipe de football, sont davantage portés sur la critique acerbe de leurs semblables qu'au shopping effréné entre copines tendance "Clueless" versus "Berverly Hills". Ça tombe bien puisque ici on est davantage proche de l'univers sarcastique et vitriolé de "Daria", dessin animé définitivement culte de MTV, que de séries futiles tendance "Beverly Hills" justement, puisque non content d'être sorti la même année, soit en 1997, on notera quelques troublantes similitudes, Enid et Daria se ressemblant comme deux sœurs (grandes lunettes, chevelure brune, cynisme à gogo, parents insignifiants, rock'n'roll attitude), le tandem inséparable Enid/Rebecca et Daria/Jane, le sarcasme et les répliques cinglantes, le ton délibérément anti conformiste suintant par tout les pores, la galerie de loosers et autres personnages emblématiques qui peuplent la BD et le DA. L'adolescence et ses affres, entre lucidité et désespoir, humour grinçant et comédie noire, dans une petite ville américaine somme toute banale. "Smell like teen spirit"... Ce qui résumerait assez bien le concept de Ghost World et de la jeunesse vu par Daniel Clowes.


























Vous l'aurez compris, nous avons affaire ici à l'un des must en matière de graphic novel, réalisé avec brio par un maitre du genre, avec ce sens inouï de la narration et du découpage comme les auteurs anglo-saxons en on le secret, agrémenté d'un graphisme moderne, dynamique et tellement original, caractéristique de Clowes, souvent imité mais jamais vraiment égalé, et c'est tant mieux! Une œuvre culte, pardon un chef d’œuvre, qui a même eu les honneurs d'une brillante adaptation au cinéma par le réalisateur non hollywoodien Terry Zwygoff  en 2001, avec Thora Birch et Scarlett Johansson respectivement dans les rôles de Enid et Rebecca. A lire d'urgence pour se délecter d'un bon plein d'humour ravageur et de mauvais esprit saupoudré d'un soupçon de punk rock.

** "Ghost World" texte et dessins de Daniel Clowes, édition originale Fantagraphics, édition française Vertige Graphic.

** N.B: L'édition française chez Vertige Graphic étant définitivement épuisée, il semblerait qu'une prochaine réédition se fasse chez l'éditeur Cornélius, qui détient les droits des œuvres de Daniel Clowes en France.


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