lundi 12 juin 2017

Banana Fish, mellow yellow manga

"Electrical banana
Is gonna be a sudden craze
Electrical banana
Is bound to be the very next phase..."


Mellow Yellow, Donovan, 1966


Une banane électrique... quoi de plus stimulant et intriguant qu'une référence "Donovanienne" garantie 100% psychédélique et pleine de sous entendus croustillants pour introduire une œuvre dont le titre comporte le mot "banane"? En fait non, pas du tout, puisque la ressemblance s'arrête très vite, rien à voir avec le barde Donovan et sa pop cosmique bien allumée, puisque le fameux poisson banane dont il est question aujourd'hui est un manga aux pages jaunes comme une banane certes, mais dont le référentiel est plutôt basé sur l'une des œuvres du grand JD Salinger, auteur du cultissime "Attrape-cœurs", une nouvelle magnifiquement perturbante répondant au doux nom de "Un jour rêvé pour le poisson-banane" (en V.O "A perfect day for Bananafish"). Un manga aux pages jaunes, JD Salinger, un poisson-banane, mais qu'est ce donc que tout cela?? Je vais donc cesser le suspens que j'imagine insoutenable pour vous parler de l'un des meilleurs manga que j'ai lu, une de mes références ultimes et qui m'a méchamment (et mauvaisement aussi bien entendu!) influencé à tout point de vu.


































Un manga aux pages jaunes... Je sais me répète, mais il faut vraiment le dire, voir le marteler, tellement la chose est peu banale! Mais en fait ça tombe bien, puisque ce manga la n'est pas banal non plus, c'est un bel ovni, tortueux et envoutant, hâtivement classé dans la catégorie infamante des shojo (mangas destinés à un lectorat féminin et jeune) et à mon humble c'est une (très) grossière erreur, et vous allez comprendre pourquoi très vite! Tout d'abord il n'est absolument pas question de romance de collégiennes, de magical girls en robe à froufrous, ou d'histoires de beaux gosses, les fameux bishonen (les beaux garçons) qui font tourner les têtes de toutes ces jeunes demoiselles, même si les principaux protagonistes de Banana Fish, de par leur belles gueules et leurs postures, méritent de rentrer dans la catégorie des bishonen! Alors de quoi s'agit il en fait? L'histoire est à la fois très simple et complexe, puisqu'il s'agit d'une histoire relatant un passé trouble, des faits historiques (la guerre du Vietnam, ses horreurs et l'expérimentation d'une drogue mystérieuse, "la banana fish" sur des jeunes soldats), tout ceci sur fond de guerres de gangs, de règlement de compte entre la pègre et la mafia, drogues, trafics louches et relations hautement ambigus entre certains personnages. Ambigu comme le héros de cette histoire tortueuse, Ash, jeune homme rebelle et un brin tête brulée qui est à la tête d'une bande de voyous, sévissant dans les rues de New York du début des années 80. Il va se retrouver un peu malgré lui embarqué dans une aventure dangereuse, à la recherche de la vérité concernant le fameux "banana fish", dont il apprendra l'existence par le biais d'un homme agonisant sous ses yeux et qui lui remettra aussi un mystérieux pendentif, un objet qui s'avèrera être très convoité et recherché par la mafia. Aidé d'un jeune journaliste japonais plutôt propret et qui est aux antipodes total de l'univers ultra violent dont est issu Ash, celui ci va enquêter et découvrir certaines vérités dangereuses, souvent au péril de sa vie et de celles de ses sidekicks.





























Bon je pense que vous l'aurez compris, nous sommes loin, bien loin du shojo manga traditionnel vendu par les éditeurs, même si il faut bien spécifier que celui ci à été publié au Japon dans un magazine de prépublication destiné aux jeunes filles, le "Bessatsu Shojo comics", entre 1985 et 1994, puis sous la forme de 19 tomes reliés. Chez nous c'est l'éditeur franco-italien Panini/Génération Comics qui s'est chargé de le publier, respectant à la lettre le format original avec ces intrigantes pages jaunes, qui donnent tout son charme et son originalité à ce manga vraiment superbe et hors norme, avec son histoire passionnante, ses personnages à la psychologie recherchée, sa violence souvent crue qui fait que ce manga est déconseillé aux plus jeunes lecteurs. Le personnage de Ash me plait particulièrement, tant par sa posture LGBT, son caractère à la fois franc, bagarreur, décidé, violent et foncièrement honnête, son ambiguïté tout au long du manga, le genre de personnalité assez rare dans les fictions dites "grand public" qui font qu'on ne peut que l'apprécier et l'admirer sincèrement. A découvrir si vous appréciez les fictions mêlant enquêtes policières, univers violent à la Scarface, gunfights, et autres séries de haute volée type "The Wire" ou "New York Police Blues".

** "Banana Fish", dessins et scénario de Akimi Yoshida, éditions Génération Comics, 19 tomes parus. **

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