mercredi 22 septembre 2021

Barbara, ou le triomphe de l'Art éternel selon Tezuka

"I can't relax
Ol' mister scratch
Is on my back
Made a devil's pact
Trade an old black cat
For a witches brew
Seven deadly sins
And you"

Beat Happening, "Bewitched" 1988

 

Ensorcelée... le maitre mot pour cette nouvelle chronique ou il sera question pèle mêle d'Art, d'écriture, d'amours contrariées, de fureur et de mystère chers à René Char, et aussi de poésie, mais pas celle de l'ami René non, plutôt celle écrite par un certain Paul Verlaine, de symbolisme mystique et de mythes modernes, tout ceci dans un manga, formant une entité à la fois concordante et dissonante. Vaste programme et vaste sujet, me direz vous, avec cette introduction qui présage tant de choses, mais de bonnes choses, car ici à la Mauvaise Influence nous mettons un certain point d'honneur à ne pas parler que d'oeuvres qui en valent vraiment la peine, celles qui surnagent et se distinguent dans un immense océan culturelle sans cesse renouvelé, mais ceci je pense que vous l'avez déjà compris très chers lecteurs. Ce manga réunissant tant de thématiques mystérieuses et attrayantes fait parti de l'un de mes coups de cœur absolu, et en parler ici aujourd’hui avec vous est un immense plaisir, tant je suis fan de Osamu Tezuka et de ce merveilleux "Barbara"

 






  








Barbara... Jolie prénom dont la douce consonance évoque d'emblée une artiste et une personnalité créative, comme une certaine chanteuse Française sombre et torturée, mystérieuse jusqu'aux tréfonds de son âme et qui chantait avec talent tout le désespoir humain. Mais notre Barbara du jour, bien que partageant certains aspects avec notre grande artiste au lyrisme sombre, n'est point chanteuse, ni même musicienne, plasticienne, peintre ou poétesse inspirée. C'est plutôt elle qui de par son aura mystérieuse inspire les artistes, elle est ce que l'on appelle en jargon artistique une égérie, une muse, une créature aux mille visages apparaissant comme par enchantement et souvent de façon incongrue et surréaliste à des artistes en mal de création. C'est ce qui arrive un beau jour a un certain Yôsuke Mikura, écrivain de renom et auteur de best sellers et dont les admirateurs et admiratrices se comptent par millier. En panne passagère d'inspiration créatrice, il erre dans Tokyo et tombe sur une jeune femme en guenilles, titubante car visiblement ivre de mauvais vin mais qui lui déclame de façon complétement inattendue quelques vers du célèbre poème de Verlaine "Chanson d'Automne". Touché par la grâce et par on se sait quoi exactement, Yôsuke Mikura recueille la jeune hippie sans abri, celle ci se révélant être particulièrement délurée et sans gêne, se servant dans les affaires et le whisky du grand écrivain. Peu à peu une étrange relation va se nouer entre nos deux protagonistes, entre haine et passion, amour et répulsion, inspiration créatrice et drame de la feuille blanche, poussant notre écrivain jusque dans ses derniers retranchements, pour l'amour de l'Art et de celle qui se fait appeler Barbara, cette Barbara si envoutante, si étonnante et surtout si mystérieuse, mais qui est elle en réalité? Une femme aux multiples apparences et existences même, celle qui se fait tour à tour appeler Barbara ou Dolmen, celle qui apparait comme la plus belle des femmes, tendre et féminine mais qui peut se métamorphoser subitement en hippie alcoolique au langage fleuri vendant ses charmes pour survivre. Le mystère reste entier tout au long de cette histoire étrange, empreinte de folie et de mysticisme, ou l'amour absolu de l'Art semble être le fil rouge déroulé par un Osamu Tezuka particulièrement inspiré.







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Œuvre inclassable au symbolisme extrêmement riche, convoquant tour à tour l'Art sous toutes ses formes (théâtre d'Avant Garde, écriture, peinture, poésie), politique, philosophie, religions, occultisme, sorcières des temps modernes et mythes antiques dans le Japon des années 70, ce"Barbara" fait carrément figure d'ovni parmi les autres œuvres d'Osamu Tezuka, on est loin, très loin même d'un certain Astro Boy ou d'un Roi Léo, tant le registre est très adulte et parfois hermétique. Une œuvre d'Avant Garde au style graphique très abouti, limite cinématographique, transpirant l'intelligence et la classe, non dénué d'un certain humour et truffé de références culturelles de haute volée. Peut être pas la plus accessible des œuvres du grand Tezuka, mais certainement l'une des plus brillantes, avant-gardistes et originales qu'il ai écrite et dessinée, une œuvre assez visionnaire, une ode vibrante au pouvoir de la création et du triomphe de l'Art éternel, une œuvre que je qualifierai même personnellement de chef d’œuvre et que je vous conseille de découvrir sans hésiter, surtout si comme votre serviteur vous êtes férus d'Art et de littérature. 

***** "Barbara" par Osamu Tezuka, édition Delcourt/Tonkam, réédition en intégrale 90ème anniversaire comprenant des annotations et des clés de lecture! *****


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