mercredi 8 septembre 2021

Bobby Beausoleil ou l'ascension de l'ange déchu, entre ombre et lumière

"The killer mob
A red bone woman
A double cross
Big fake bitter love underbelly freezing jungle
One step more he'll stir your senses scratch your surface and nail your head
Murdered angels"

 Sonic Youth, "I'm Insane", 1985

 

Écrire une chronique sur Bobby Beausoleil  un jour de plein soleil... surtout quand il est question d'un meurtrier, évoquant ainsi l'une des énigmes les plus palpitantes et mystérieuses qu'est eu a résoudre Hercule Poirot par le truchement d'Agatha Christie. Sauf que là il ne sera nullement question de parler de la grande et prolifique romancière anglaise que l'on ne présente plus et encore moins d'une fiction policière aux mille rebondissements alambiqués, puisque l'ouvrage dont il est question aujourd'hui ne se glisse pas vraiment dans la catégorie des fictions, et que le héros de cette étrange storytelling n'a pas été crée de tout pièces, il est réel et bien vivant! Et son joli patronyme évoquant la promesse chatoyante d'une grande beauté solaire et radieuse n'est absolument pas pure invention poétique, bien que Bobby Beausoleil est une sorte de poème à lui tout seul, une ode macabre ou une oraison funèbre, au vu de sa vie chaotique et de ses penchants destructeurs. Un homme s'est particulièrement intéressé à ce fascinant personnage, livrant ainsi son existence tourmentée et meurtrière et tentant même de percer à jour son énigme à travers une étrange épopée littéraire que nous allons découvrir aujourd'hui.














 

 

 

 

 

 

 

 

 

Bobby Beausoleil aurait pu naitre sous une bonne étoile, mais lorsqu'il vit le jour en 1947 son destin, et même si il ne le savait pas encore, était déjà scellé, voué au mal et à la destruction, un ange noir pourvu d'une âme sombre, né dans une région riante et ensoleillée des États Unis, la belle et enjouée Californie. Bobby Beausoleil, de part son nom magnifique et ses grandes aptitudes artistiques, musicien accompli et compositeur émérite, aurait pu régner en maitre tel un grand monarque inspirant et solaire sur tout cet univers artistique Californien des sixties alors en pleine éclosion créative et contestataire, à l'Avant Garde musicale, littéraire et plastique, libérée du joug infernal du conservatisme des décennies passées. Sauf que la destinée en avait décidé autrement, muant notre jeune musicien à la carrière prometteuse en un assassin à la carrière brisée, l'histoire presque banale d'un jeune guitariste rebelle et en rupture total avec son milieu familial qui rencontra un beau jour le roi des démons, enjôleur, pervers et manipulateur, patriarche improbable d'une étrange et nébuleuse famille, celui que l'histoire retiendra comme le commanditaire ultime du massacre de la Death Valley en 1969, l'apocalyptique Charles Manson. Mais avant cela, Bobby œuvrait donc en tant que guitariste pour divers groupes de rock en vogue, notamment la fameuse formation d'Arthur Lee,"Love", et en bon hippie anti establishment, voyageait et roulait sa bosse nonchalamment un peu partout, ce qui déboucha notamment sur une rencontre capitale avec le pape du cinéma underground, Kenneth Anger. Peu à peu, l'ange de la musique se métamorphosa en un ange meurtrier, suivant une partition dramatique aux notes violentes et ensanglantées, il commis l'irréparable en poignardant un homme, sombre histoire de revanche sur fond de drogues et d'escroquerie. Ce geste tragique et d'une violence inouïe le conduira tout droit en prison pour le reste de sa vie, sans aucune possibilité de sortie ou de rédemption, un geste qu'il ne semble même pas vraiment regretter, tant son sourire énigmatique et son air de défi un brin provocateur sur son beau visage d'ange sont d'une éloquence évidente et glaçante. Et pourtant, derrière toute cette horreur au gout de sang et de vice, toute cette foire aux atrocités chère à JG Ballard, nous découvrons la vie d'un homme proprement fascinant, vivant sa vie dans un road movie chaotique, une sorte de Neal Cassady encore plus extrême et psychotique, moins connu que Charles Manson et ses frasques, mais tout aussi dangereux et envoutant.

 













Fasciné (mais comme je le suis tout autant!) par l'aura et la personnalité si complexe de Bobby Beausoleil, Fabrice Gaignault nous livre ici une incroyable épopée semi fictionnelle, hantée par les fantômes des sixties, son way of life et ses personnalités, une épopée née sur la route entre L.A et San Francisco, tel un Kerouac des temps modernes. Une fascination évidente pour le personnage certes, mais sans tomber dans l'hagiographie dégoulinante ou le pamphlet ridicule, ce livre n'est en aucun cas une apologie complaisante du crime de Bobby Beausoleil, il relate simplement des faits et un bout d'histoire de l’Amérique contemporaine des 60' et des 70' à travers un style de vie fait de vagabondages, de rencontres, de pop culture et de musique. Et en parlant musique, Kenneth Anger ne s'était décidément pas trompé en confiant à Bobby Beausoleil la réalisation de la bande originale de son mythique et fabuleux "Lucifer Rising", voyant certainement en lui la réincarnation moderne de Lucifer, l'ange déchu porteur de lumière. Une belle découverte et un sujet original, traité de façon tout aussi original, et qui nous change un peu des sempiternelles biographies de Charles Manson qui ne cessent de fleurir et autres ouvrages convenus sur les sixties américaines.


***** "Bobby Beausoleil et autres anges cruels" par Fabrice Gaignault, édition Séguier *****

1 commentaire:

  1. Ravie de découvrir ton blog chère Lula, plenty of kisses🌷🌷🌷
    Miren

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