mercredi 29 juin 2016

Lady killer, ma tueuse bien aimée

" Cos When I'm Talking Talking Personality Personality
And You're A Prima Ballerina On A Spring Afternoon
Change On Into The Wolfman Howling At The Moon Awoooh
Got A Personality Crisis Ya Got It While It Was Hot
So Hard Y'know Frustration And Heartache Is What You Got
Talking 'Bout Personality..."

New York Dolls, Personality Crisis, 1973

Ce que j'aime par dessus tout, dans la vie (réelle et fictionnelle) et sur mon blog ce sont les personnalités borderline, marginales, insaisissables, nageant totalement à contre courant des normes, se fichant du qu'en-dira-t-on édicté par les chantres du politiquement correct et du soit disant bon gout, j'adore les personnages originaux, qu'ils soient réels ou fictionnels, ceux qui évoluent dans des sphères libres ou l'indépendance, l'originalité, la créativité débridée et la franchise ne sont pas que de vains mots ou des concepts sans relief, avec un faible pour les guerilla girls, celles qui fracassent tout sur leur passage, tel Attila le Hun en Doc Martens et robe babydoll à la Courtney Love, que ce soit les clichés liés à leur condition de femme façon "sois belle, tais toi et fais moi un sandwich femme!" et les rôles ultra bien définis de type second couteau/jolie potiche/belle plante/maman attentionnée/teenage décérébrée/trentenaire désespérante et désespérée. Et pour démarrer en beauté les hostilités et inaugurer de surcroit une nouvelle rubrique consacrée à la gente féminine (et non pas à "lafâme", attention puisque ici il ne sera JAMAIS question de culture girly bien genré, celle popularisée entre autre par les magazines féminins et Margaux Motin, mais je reviendrais la dessus dans une chronique ultérieure), laissez moi vous présenter aujourd'hui l'une de ce femmes fracassantes, une certaine "Lady Killer" qui n'a pas vraiment froid aux yeux, née de l'imagination de deux auteurs superbement inspirés et bien barrés aussi, Joëlle Jones (dessin) et Jamie S.Rich (scénario).


































Mais qui est donc Lady Killer? Une femme très wasp des 50' en apparence bien sous tout rapport, sorte de croisement entre Peg "Ambassadrice Avon" Bogg du film "Edward aux mains d'argent" pour le job et Jackie Kennedy-Onassis pour le look étrangement similaire. Voila pour les apparences, qui comme le dit si bien le proverbe peuvent être trompeuses, puisque notre héroïne, répondant au délicieux nom de Josie Schuller n'est pas vraiment celle que l'on croit, exhalant une troublante ambivalence et une personnalité bien complexe. Mère de famille attentionnée et épouse exemplaire le jour, il s'avère qu'elle est aussi une redoutable tueuse à gage, méthodique et impitoyable, zigouillant toutes celles et ceux qui se mettent en travers de son chemin avec un flegme et une froideur stupéfiante. Une double vie totalement assumée et une personnalité multiple flirtant avec la schizophrénie mais bien définie, Josie n'apparaissant pas vraiment comme une femme folle et dérangée avec l'écume aux lèvres et le couteau entre les dents, juste bonne à enfermer dans l'asile psychiatrique le plus proche avec traitement aux électrochocs et camisole de force, c'est tout le contraire même, et c'est ce qui fait sa force et son atout principal, jouer à fond sur les apparences trompeuses et toujours rester maîtresse d'elle même en mode control freak. Une double existence pleine de tribulations mouvementées pour notre héroïne au visage d'ange et aux pimpants tailleurs 50' toujours impeccables, assassinant sans remord et avec la même légèreté que si elle préparait une tarte aux pommes pour le gouter de ses enfants, un paradoxe trash et charmant que cette Josie alias la femme aux deux visages, insaisissable, mystérieuse, belle, déterminée et ultra intelligente, les qualificatifs ne peuvent que fleurir pour décrire un tel personnage atypique à souhait, en décalage avec l'état d'esprit politiquement correct de l'Amérique des 50', conservatrice et très à cheval sur la répartition des rôles homme/femme ou chacun doit rester à sa place, les hommes se devant d'être virils en maniant armes à feux et autorité patriarcale, et les femmes douces et compatissantes responsables d'un foyer parfait ou règnent l'ordre et la propreté.






























En résumé, nous avons affaire à un comics inclassable et atypique, avec une héroïne tout aussi inclassable et atypique, ce qui est franchement fort séduisant et apporte une indéniable touche de fraicheur dans un univers graphique ou les femmes n'ont pas toujours les meilleurs rôles, même si les mentalités un brin machiste de la BD tendent à évoluer vers de meilleurs sentiments. Les deux auteurs offrent ici un bel écrin à la hauteur de ce personnage original qui est bien loin de ressembler à une desperate housewife ou alors version LSD et carnages sanglants, le genre que l'on aimerait voir plus souvent dans des fictions toutes catégories confondues. Un univers de folie et de violence qui peut faire froid dans le dos, mais pas forcément celui des meurtres sanglants commis par Josie, car sa petite vie banale d'épouse parfaite tendance Samantha Stephens dans "ma sorcière bien aimée" est bien plus flippante au demeurant. Doté d'un scénario passionnant et d'un graphisme de style vintage, ce "Lady killer" tome 1 est une franche réussite, et la suite est attendue avec une impatience non dissimulée. Sympathy for lady vengeance!

** "Lady Killer" dessins de Joëlle Jones et scénario de Jamie S.Rich, éditions Glénat Comics. Public adulte, à partir de 16 ans.


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